dimanche 5 avril 2020

Peintures de Hédi Turki : Dialogue avec l’invisible


      


                                                   Peintures de Hédi Turki :

                                          Dialogue avec l’invisible






Sur les murs arc-boutés du petit musée de Sidi Bou Saïd, vingt-sept toiles de l’artiste peintre Hédi Turki viennent égayer cet espace, s’accordant à merveille avec une architecture traditionnelle et s’offrant au regard réjoui du visiteur. Elles révèlent une peinture calme et profonde, d’une superbe maturité d’expression et d’une originalité totale. Car ce même visiteur, abasourdi par les tonalités assourdissantes des folkloristes et post-orientalistes qui envahissent comme un nuisible virus les cimaises des galeries et salons d’exposition, découvre, en ce fin esprit de maître, une sensibilité pétulante et vive, un goût raffiné et discret.


Hédi Turki appartient incontestablement à l’élite, à ces véritables artistes, pourtant rares, doués d’un esprit inventif faisant d’eux les meneurs d’une mode nouvelle et d’une sensibilité nouvelle. N’at-il pas le premier, après les quelques œuvres que l’on connaît d’E. Naccache (1), introduit l’abstraction en Tunisie?

Sans doute, les deux voyages qu’il a entrepris aux Etats-Unis, respectivement en 1959 et, vingt ans après, en 1979, lui ont été d’un grand profit sur le plan professionnel et artistique. Il nous l’avoue lui-même dans son « Analyse rétrospective de l’expérience personnelle en matière d’art plastique » (janvier 1984). La découverte des peintres de l’Ecole de New York a profondément marqué son art. L’action Painting attira le peintre qui travailla sur une série de tableaux dans la technique du dripping inventée par J. Pollock. Mais l’impact de M. Rothko demeure le plus fort et le plus durable. En témoigne une série d’œuvres réalisées dans la monochromie et les glacis aux accords délicats, s’étalant sur de larges plages aux contours vaporeux.

Tout en conservant dans les travaux actuels ces mêmes procédés techniques, l’artiste se fraye des voies d’inspirations nouvelles. Abandonnant de plus en plus un paysagisme abstrait, dans lequel il garde une certaine nostalgie des rythmes cosmiques, il glisse vers une abstraction de plus en plus épurée qui laisse le spectateur perplexe devant des titres tels que « Paysage bleu », « Orage », « Flottaison », « Rêve antarctique »… qui ne sont point référentiels, topographiques, mais qui procèdent par suggestion, analogie ou par association établies par notre pure imagination.

Par l’enchevêtrement de lignes, de formes fluides, flottantes, aériennes, diluées dans leurs contours, irradiant d’une lumière profonde, le tableau devient espace dans son intégralité. Dans ce jeu de surfaces, l’espace visuel s’exclut en l’absence de repères géométriques, mais il cède la place à une mystérieuse vibration lumineuse qui semble circuler à travers la superposition de ces fines couches de couleurs douces et transparentes. Dans quelques toiles, traversées par une trame de traits verticaux colorés sur un fond assourdi, la composition est dynamique et frémissante, l’espace  tridimensionnel se trouve entièrement « déconstruit » par ce réseau de lignes couvrant tout le champ visuel. Le regard devient errant, incontrôlable, invitant le spectateur à se détacher complètement du monde sensible pour accéder à un monde dépouillé, plein de mystère, un monde démesuré qui n’est plus à la mesure de l’homme mais à la mesure de Dieu. L’inquiétude sereine qui rode dans toutes ces compositions, que nous offre à voir le Musée de Sidi Bou Saïd, confine au religieux. Ce dialogue avec l’invisible conduit indubitablement à l’Etre Suprême. Car, comme le souligne J. Rudel (2) dans le catalogue de l’exposition qu’a tenue le peintre à la galerie Vercamer (Paris 1968), « Turki pense que Dieu est absolu et qu’il est abstraction ».




                                                                             Nuit de Ramadhan,  hst, 1969






                                                  "Reflets", hst, 130x99 cm, 1980, Ministère de la Culture, Tunis






                                                                            "Profondeur de champ"






(1) Edgar Naccache (1917-2006). Membre de l'Ecole de Tunis (groupe des dix (1947), il s'installe définitivement à Paris à partir de 1962. Son style au début réaliste évolue vers une sorte de cubisme proche de l'abstraction.

(2) Jean Rudel (1917-2008). Peintre et professeur émérite en histoire de l'art et en art plastique à l'Université Panthéon-Sorbonne, auteur de plusieurs ouvrages dont "Technique de la peinture", collection "Que sais-je", 1974. (Ami d' artistes tunisiens, il s'est rendu fréquemment en Tunisie. Durant mon séjour à Paris, j'ai eu la chance de lier connaissance avec cet homme érudit alors qu'il se rendait souvent à la bibliothèque d'art et d'archéologie de Jacques Doucet. Il était sur le point d'achever sa thèse de doctorat sur l'organisation de la surface picturale dans la Renaissance italienne, qu'il avait soutenue en 1979. Travail de longue halène qui a nécessité plusieurs années de recherches et un constant aller-retour vers l'Italie afin de se rendre aux musées et pouvoir scruter de près les œuvres de peinture).



                                                      Khaled Lasram    (Journal  «Le Temps », dimanche 30-12-1990) 


vendredi 3 avril 2020

Création de l'Ecole des Beaux-Arts de Tunis (1923-1966)


           Création de l'Ecole des Beaux-Arts de Tunis (1923-1966)



Création de l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis (1923-1966)
(« Revue des études urbaines » (« Mujtamaâ wa U’mrân »), n°11/12, décembre 1988, pp. 9-13)



                                   1)  Le bâtiment et le jardin de l’Ecole des Beaux-Arts 

   En vue d’encourager une large politique d’expansion de la culture française en Tunisie, des réformes ont été entreprises par le gouvernement du Protectorat. C’est dans le cadre de ces réformes, et parallèlement à la modernisation de l’enseignement, qu’a été fondé au mois de mars 1923 un Centre d’enseignement d’art, sous l’égide de Lucien Saint, Résident Général (1921-1929), et l’accord du Grand Conseil appelé à prêter son appui financier (1).


     Le Centre a été aménagé dans une aile du premier étage d’un somptueux palais, le Dar Ben Ayad (2), situé près de Bâb Djezira, dans le quartier sud de la Médina. Ce même lieu servait au début du siècle d'atelier au peintre français Pierre Gourdault (3).




                 2) Atelier de Pierre Gourdault, in "La Tunisie Illustrée", 1919, 4 juin, p. 9.



      En 1927, le centre a été transféré au rez-de-chaussée du même palais ; on  ne disposait plus alors que de deux salles dont l’une était mal éclairée.
    C’est avec des moyens, au début assez modestes, que l’on a pu acquérir un stock de livres et d’albums d’art constituant une bibliothèque qui contenait, en 1932, six cents ouvrages (4). Quelques moulages provenant des musées du Louvre et de Trocadéro, servant de modèles aux jeunes élèves et amateurs, et des œuvres de peinture et de sculpture envoyées par le Musée du Luxembourg et du Louvre, ont été placés dans le dépôt du Centre.

   Un enseignement théorique était assuré par Pierre Boyer, Inspecteur des Antiquités et Arts, qui a d’ailleurs eu lui-même l’initiative de la création de ce Centre et qui le dirigeait (5). P. Boyer donnait chaque quinzaine des conférences portant alternativement sur les grands courants de la peinture en Europe et l’histoire de la peinture française des Primitifs à Manet. Victor Valensi, architecte-conseil de la ville de Tunis, se chargeait de son côté du cours d’architecture (6).




                                  3) L’atelier de dessin du cours préparatoire


     Parallèlement, un enseignement pratique était maintenu par Armand Vergeaud (7) et Alexandre Fichet (8) ; le premier dirigeait l’atelier de peinture, le second, celui du dessin et du modelage. 

      A ses débuts, le Centre démarra avec une sélection de huit élèves. Mais au fil des années, le nombre des inscrits, recrutés pour la plupart parmi la colonie étrangère, a pris de l’ampleur. En 1930, on dénombrait en tout trente-neuf élèves fréquentant régulièrement les ateliers (dont quelques rares juifs tunisiens et seulement trois musulmans : Y. Turki (9), A. Ben Raïs et A. Ben Salem). (10)
   
     Un concours d’admission se déroulait avant la rentrée scolaire le 15 octobre de chaque année, et un concours de sortie avait lieu au mois de juin au moment de la fermeture. Durant chaque fin de trimestre, un jury décernait aux meilleurs élèves des récompenses.
        
     Succédant à Henri Doliveux (1919-1927), Emile Gau, nouveau Directeur Général de l’instruction publique et des Beaux-Arts (1927-1937) a érigé le modeste Centre d’Enseignement d’Art en Ecole des Beaux-Arts. Ce Centre qui n’était jusqu’alors qu’une institution semi-officielle a acquis, par un arrêté daté du 1er octobre 1930, le statut d’« Ecole des beaux-arts » (11). A partir de ce moment, A. Vergeaud en a pris la direction, en remplacement de P. Boyer, appelé à la retraite (12).



4) Le cours de décoration murale : les élèves exécutent les cartons de panneaux prévus en mosaïque        
        

       Les diplômés de l’Ecole ont organisé, dès 1929, une Association d’Anciens élèves de l’Ecole des Beaux-Arts, à laquelle se sont joints des artistes de profession, des professeurs et des amis de l’art. Cette association, présidée par De la Porte des Vaux et encouragée par la résidence générale et les pouvoirs publics, préparait à chaque fin d’année scolaire une exposition des travaux d’élèves anciens et nouveaux. La première exposition, tenue au Palais des Sociétés Françaises, a remporté un vif succès : soixante-dix œuvres, parmi les cent-vingt présentées, ont été achetées.






                               Exposition de l'Association des élèves et amis du Centre d'art, 1929.










             Exposition au Centre d'art d’œuvres de Auguste Durel (1904-1993). Peintre, sculpteur et graveur, il comptait parmi les élèves les plus appréciés d'Armand Vergeaud. Il quitta définitivement la Tunisie en 1933 et s'installa à Paris). 



     Grâce à l’habile direction de A. Vergeaud (13), l’Ecole qui se constituait uniquement d’une section d’Arts plastiques (groupant les ateliers de peinture, de dessin, de gravure et de modelage), s’est dotée d’une nouvelle section d’architecture et d'urbanisme. Le cours facultatif donné initialement par V. Valensi ayant été suspendu en 1930 par suite de l’absence d’élèves, cette spécialité, mieux équipée, a retrouvé, à partir de 1944, un certain regain d’intérêt lorsque Jacques Marmey (14) en a pris la direction. (elle accueillait, en 1945, vingt-huit élèves).

               

                                                5)  L’atelier d’architecture

       Le nombre d’élèves inscrits augmentant chaque année (quatre-vingt-trois en 1953), le local du passage Ben Ayad est devenu trop exigu (15). Sous l’initiative de Lucien Paye, nouveau directeur de l’Instruction publique et des Beaux-Arts (1948-1955), l’Ecole a changé de lieu et s’est établie définitivement dans un ancien hospice des mutilés de guerre, situé extra-muros, à proximité de Bâb Sidi Abdessalam (Route de Forgemol, aujourd’hui Route de l’Armée Nationale). Le 16 octobre 1953, Pierre Voizard, nommé depuis un mois Résident Général (1953-1955), inaugurait le nouveau bâtiment en présence du Général Tahar Maâoui, représentant S.A. Le Bey, et de plusieurs personnalités tunisiennes et françaises (16). C’est sur le modèle des écoles d’art de province que Pierre Berjole (17), succédant en 1949 à  A. Vergeaud, établissait les nouveaux programmes (18). Un atelier d’arts décoratifs a été créé. On s’y initiait aux techniques des arts appliqués (affiche, illustration, céramique, verrerie, mosaïque, etc.)

        Le nouveau bâtiment étant plus spacieux, doté d’un jardin et équipé de plusieurs salles et d’une bibliothèque, les cours et les ateliers se déroulaient ainsi avec plus de régularité et dans de meilleures conditions matérielles.



6) L’atelier de décoration. Au mur, les meilleurs projets. A gauche, sur l’armoire, les maquettes du cours de décoration théâtrale.

      A l’instar des écoles d’art de province, l’enseignement pictural divulgué à l’Ecole des beaux-arts de Tunis préconisait le retour au classicisme à travers la discipline des musées. L’académisme gréco-romain y était de rigueur. L’œuvre de Vergeaud, de Fichet, de Berjole et de bien d’autres artistes enseignants, adoptait un style assez conventionnel, plus ou moins teinté d’un certain « modernisme » (19).  L’Ecole passait sous silence les pratiques artistiques locales présentes et passées, coupant ainsi avec la réalité du pays. L’art colonial prôné dans cette institution était incapable de saisir l’actualité quotidienne autrement qu’à travers les stéréotypes d’un orientalisme moribond. Il demeure cependant que les premiers maîtres qui y ont professé ont servi d’exemple aux futurs peintres de « l’Ecole de Tunis ». Nous devons, certes, honorer leur mémoire, en ce sens qu’ils ont largement contribué à jeter les prémices de la peinture moderne en Tunisie.

      En 1957, après une tutelle de l'Education Nationale, l'Ecole passa, en 1962, sous la tutelle du Ministère de la Culture. Le départ de Pierre Berjole en France, au mois de juin 1966 (20), a marqué la fin d’une période révolue et a ouvert une ère nouvelle. Un décret daté du 5 octobre 1967, portant réorganisation de l’Ecole des Beaux-Arts (21), correspondait avec la prise de la direction par une ancienne élève, Mme Safia Farhat (22), qui s’est fixée pour tâche, durant sa carrière qui s’est poursuivie jusqu'en 1981, d’assurer un changement profond dans les options et les moyens qui ont été jusqu'alors mis en place. Son principal objectif était de réhabiliter certains métiers artisanaux, notamment le tissage et la tapisserie, en leur insufflant, à travers un certain savoir-faire et un répertoire puisé dans la tradition, une dynamique artistique moderne. L’intégration de l’art dans le milieu tunisien, un art se dégageant de plus en plus du carcan d’un certain conventionnalisme, a été notamment la préoccupation majeure des responsables de l’Ecole durant les dernières décennies de l’Après-Indépendance (23). 
  

           

                                         7)  L’atelier de dessin du cours supérieur





 8) L'atelier de gravure ( 1984); photo de Claude Guenard (né en 1949, artiste peintre, graveur et sculpteur, ancien élève de l'Ecole des Beaux Arts de Paris, enseignant dans plusieurs écoles d'Afrique, dirigea au début des années 80 l'atelier de gravure à l'Ecole des BA de Tunis). 



·              (1) Le budget consacré à l’institution du Centre d’Enseignement d’Art a été fixé à l’origine par le Grand Conseil à 28.000 fr. En 1930, il s’est élevé à 75.000 fr. Cf. Direction Générale de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts : « L’œuvre scolaire de la France en Tunisie (1883-1930) » ; Imprimerie Victor Berthod, Bourg, 1931, pp. 51-52.  
·              (2) Pierre Gourdeault s'établit durant deux ans en Tunisie. Il exposa un ensemble d'œuvres orientalistes au Salon Tunisien de 1913). Cf. William Laparra : Pierre Gourdeault, in « La Tunisie illustrée », 4 juin 1919, pp. 9-10.
·              (3) A part les deux photographies n° 2 (tirée de "La Tunisie Illustrée",1919, 4 juin, p. 9) et n° 8 (tirée de la plaquette intitulée "l'atelier de gravure"), toutes les autres photographies figurant dans ce texte ont été puisées dans un article de Pierre Berjole intitulé « L’Enseignement des Beaux-Arts en Tunisie », (voir note 15). Ces photographies ont été prises par Jacques Simonot (1925-1982) lors de son séjour à Tunis  au milieu du XXème s. (Sa boutique de photographe  était sise  au 7 rue Sparte; il était surtout connu pour ses portraits de jeunes gens).
·              (4) A l’exception des périodiques, des travaux universitaires (mémoires de Master-thèses de Doctorat) et de la photothèque, la bibliothèque des Beaux-Arts comporte actuellement 11.000 ouvrages spécialisés dans divers domaines artistiques : Histoire des styles, peinture, sculpture, dessins, gravures, design, arts du spectacle, architecture d'intérieurs, philosophie, sciences). Un bon nombre de livres anciens et d’albums d’art, ornés par des photogravures, ont été gracieusement offerts, au début du siècle, par des particuliers. M. Ben Mustapha, ancien responsable de la bibliothèque, m'avait montré un épais registre dans lequel sont inscrits les noms des donateurs, parmi lesquels on reconnaît certaines personnalités notables de  l'époque connus dans le domaine politique ou culturel. (Une bonne partie de ces précieux ouvrages sont aujourd'hui détériorés ou inexistants).
·              (5) Pierre Boyer (né à Paris en 1865 et décédé en 1933), peintre paysagiste et portraitiste. Il fut envoyé en Tunisie pour créer un centre d’art et un musée d'art moderne. (Ce musée n'a cependant jamais vu le jour). Ayant acheté une propriété agricole près de Grombalia, il est enterré près de ce patelin au cimetière de Sidi-Aïch.
·              (6) Victor Valensi (1883-1977), a suivi les cours de l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris. Il a été chargé de la mise sur pied d’un plan d’aménagement et d’extension de la ville de Tunis (1920). A travers ce projet, il contribua à la diffusion du style néo-mauresque. Il participa à l’Exposition des Arts Décoratifs à Paris (1925) et réalisa de nombreuses constructions au Pavillon de la Tunisie à l’Exposition Coloniale de 1931. La Grande synagogue de Tunis (1938) est son oeuvre majeure.
·              (7) Jean-Antoine-Armand Vergeaud (né à Angoulême en 1876). Elève de Gustave Moreau, de Flameng et de Cormon. Il s’est installé à Tunis de 1912 jusqu’à sa mort en 1949 et s’est manifesté dès 1910 au Salon Tunisien. (Il a exécuté un portrait de S.A. Ahmed Bey (1929-1942) destiné à la Grande Salle du trône (1930)). (Sociétaire des Artistes Français depuis 1906 ; Mention honorable en 1902 ; médaille de 3è classe en 1909 ; Légion d’honneur en 1932 ; médaille de bronze en 1937.) Cf. E. Bénézit : « Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs », libr. Gründ, Paris 1976, X, 451.
·              (8) Alexandre Fichet (né à Paris en 1881), arriva à Tunis en 1902. Professeur de dessin à l’Ecole professionnelle Emile Loubet et au Collège Sadiki. Président du Salon Tunisien à partir de 1912 jusqu’à sa mort en 1967. Il a réalisé des travaux de décoration à l’Exposition universelle de 1900, ainsi qu’au Palmarium et au Casino municipal de Tunis.
·              (9) Yahia Turki (1900-1969), surnommé « père de la peinture tunisienne », entra au Centre d’Art en 1923 » ; il n’y resta que quelques mois.
·              (10) Parmi les anciens élèves (européens installés en Colonie) inscrits au Centre d'Art, nous retenons les noms de : Pierre Boucherle, Antonio Corpora, Lucien Azan, Marina Baldasseroni, Carlo Maiolini, Geneviève Gavrel, René Lombard et René Paraire. Parmi les Tunisiens de confession israélite : Moses Levy, Jules Lellouche, Victor Journo et Henri Saada. Les premiers Tunisiens musulmans inscrits : Yahia Turki, Azzouz Ben Raïs, Ali Ben Salem,  Jellal Ben Abdallah, Abdelaziz Gorgi, Ali Bellagha, H. Turki et Zoubeir Turki.
·              (11)  « Journal Officiel Tunisien », n° 98 ; 10 décembre 1930, p. 2598.
·              (12) S’il quitta définitivement son poste de directeur du Centre d’Art, P. Boyer poursuivit néanmoins, jusqu'à sa mort en 1933, ses cours d'histoire de l'art qu'il assurait une fois par semaine.
·              (13) Le gouvernement français ne tarda pas à récompenser les mérites du professeur Vergeaud en le décorant du ruban rouge, lors de l’Exposition Coloniale de 1931, organisée à Paris à l’occasion du Centenaire de la Prise d’Alger ; exposition dans laquelle A. Vergeaud a présenté quelques travaux.
             (14) Jacques Marmey (1906-1988), architecte dont l'oeuvre majeure, en Tunisie, fut la construction du Lycée de                    Carthage (1949-1955), avait construit, à cette même époque un Centre d'accueil pour grands mutilés de guerre qui                   allait servir, à partir de 1956, de nouveau local à l'Ecole des beaux-arts de Tunis. En 1963, il fut également chargé      de la construction du palais  présidentiel de Raqqada, réaménagé, en 1986, en Musée d'art islamique.  Cf. Marc Breïtm                     "Rationalisme, tradition: Tunisie 1943-1947", Liège, 1986, pp. 172-173.
(( Il m'a paru intéressant, quoique n'ayant pas de rapport avec notre sujet, d'évoquer le rapport qu'il peut y avoir entre "paysage" et "architecture" et qui a été une des préoccupations primordiales de Marmey lors de la construction du Lycée de Carthage. "Celui-ci travaille sur le concept d'intégration de la bâtisse dans son milieu. De cette expérience, il atteste : "A l'aide d'un petit bateau, je me suis rendu au large pour vérifier la justesse de l'implantation de mes bâtiments. Je voulais, du Lycée, profiter de la vue tout en respectant l'intégrité du site millénaire". Cité dans "Institut français d'architecture", Auteur Archives d'Architecture du XXème siècle, éd. Mardaga,1991, p. 228. )) 
·              (15) On était à un moment donné très préoccupé par la nécessité de la création d’une école spacieuse et moderne. En 1937, on écrivait ceci : « L’Ecole des Beaux-Arts cherche un Mécène qui voudra bien l’installer sinon dans un Palais, du moins dans un logement suffisamment vaste pour abriter convenablement ses élèves et ses collections ».L’Ecole des Beaux-Arts de Tunis, in « Tunisie, revue illustrée de l’actualité », n° 3 (1ère année), Tunis, 25 novembre 1932, p. 18.
·              (16) Durant l’inauguration de la nouvelle Ecole, un émouvant hommage a été rendu à la mémoire d’A. Vergeaud, à l’occasion du quatrième anniversaire de sa mort, par ses nombreux amis et élèves.
·              (17) Pierre-Louis Berjole (né à Samur (Maine et Loire) en 1897, décédé à Nice en 1990), étudia aux Ecoles des Beaux-Arts de Tours et de Paris.  Peintre paysagiste, il s’installa à Tunis et changea de facture en peignant des scènes orientalistes. Il fut Commandeur du mérite culturel en Tunisie, Officier dans l’ordre de la République tunisienne et Officier dans l’ordre des palmes académiques. Cf. E. Bénézit, op. cit., II,  661.
·              (18) Cf. P. Berjole : L’enseignement des Beaux-Arts en Tunisie, in « Bulletin Economique et Social de la Tunisie », n° 87, avril 1954, pp. 84-90.
·              (19) A. Vergeaud, tout en travaillant dans un style académique, rappelle, aussi bien dans ses scènes tunisiennes que celles de province, le symbolisme de son maître Gustave Moreau. A. Fichet applique dans ses paysages une technique pointilliste, tout en recherchant dans ses portraits un certain réalisme photographique. Les paysages tunisiens de P. Berjole (post-Cézanien) sont combinés dans une harmonie très recherchée de lumières et de couleurs. Tous ces peintres donnent à leurs tableaux un cachet typiquement tunisien en puisant dans le folklore.
·              (20) Dès lors, Berjole se fixa en France et devint, jusqu’à sa retraite en 1973, Conservateur du musée de l’Annonciade à Saint-Tropez.
·              (21) Décret n° 67-342.
·              (22) Safia Farhat (née en 1924 à Radès), peintre et tapissière. Membre de l’Ecole de Tunis à partir de 1949. Elle fonde la revue féminine « Faïza ». Enseigne à l’Ecole des Beaux-Arts dès la fin des années 50. Directrice de l'Ecole des beaux-arts, elle réforma les programmes d'enseignement en établissant notamment des contacts avec des enseignants de la Sorbonne spécialisés en esthétique, en arts plastiques et en histoire de l'art et avec certaines écoles d'architecture suisses. Évoluant vers une structure universitaire, l'Ecole des beaux-arts est devenue, en 1973, "Institut Technologique d'Art, d'Architecture et d'Urbanisme de Tunis".
·              (23) Cf. N. Ben Cheïkh : Exposition des travaux d’étudiants de la section Beaux-Arts de l’ITAAUT, in « Peindre à Tunis (pratique artistique maghrébine et histoire) », (Thèse de 3eme cycle sous la direction d’Olivier Revault d’Allones, Université de Paris I, Sorbonne, U.E.R. de philosophie,1978-79, p. 301). Cf. A. Chabouni : « Dix années avec l’ITAAUT », (mémoire de DEA, dactylographié), ITAAUT novembre-décembre 1981. (L'ITAAUT a été doté de plusieurs ateliers. Une série de plaquettes ont été réalisées, sous la direction de Ali Djerbi, présentant quelques-uns de ces ateliers ; voir à titre d'exemple : "L'atelier de gravure", Service de publications de l'ITAAUT, 1984 (texte et photos de Claude Guénard)). Cf. A. Nekhili : L’Ecole des Beaux-Arts hors des voies traditionnelles, in « La Presse », 8 janvier 1983, p. 3.





E.B.A.T., Ecole des Beaux-Arts de Tunis
(« Revue d’études urbaines » (Mujtamaâ wa U’mrân), n° 23, novembre 1996, pp. 25-26)(Chargé de la direction des Etudes et des Stages à l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis, du 15 septembre 1995 au 15 septembre 1996).


  L’Ecole des Beaux-Arts de Tunis (initialement Centre d’Enseignement d’Art) existe depuis 1923. Au cours de cette période, elle a connu de nombreuses transformations qui l’ont amenée, en 1973, à sa structure actuelle d’établissement supérieur. A ce moment, elle s’appelait « Institut Technologique d’Art, d’Architecture et d’Urbanisme » et regroupait, comme son nom l’’indique, divers types de formation. Tout récemment, une restructuration de ce dispositif a amené la mise en place de trois écoles distinctes : l’Ecole Nationale d’Architecture et d’Urbanisme, l’Ecole des Beaux-Arts de Sfax (qui vient d’être créée) et l’Ecole des Beaux-Arts de Tunis.  Cette dernière retrouve ainsi son ancienne dénomination et comprend un enseignement à vocation essentiellement artistique.

   La première année d’études est une année commune de caractère pluridisciplinaire et d’orientation. Elle assure une large formation de base dans les composantes du langage plastique (dessin, forme, couleur), parallèlement à un ensemble de cours théoriques dans les divers domaines de la connaissance (sciences humaines, histoire des civilisations).

       La deuxième année est une année de spécialisation qui engage la suite des études. L’étudiant choisit entre deux sections, celle des « Arts Plastiques » (qui comporte deux cycles de deux ans chacun pour un diplôme national de maîtrise), ou celle des « Arts et Métiers » (précédemment appelé « Design », pour un diplôme national « bac+5 »).

      L’enseignement d’Arts Plastiques répond à deux critères : le premier consiste à assurer une formation spécifique approfondie à de futurs enseignants d’éducation artistique ; le second résulte de l’importance qu’occupent la peinture, la sculpture ou la céramique dans le domaine de la pratique.

      La dénomination « Art et Métiers » a été choisie parce que l’ancienne appellation « Design », dans le sens propre du mot, renferme toute activité touchant au projet. Le design comprenait le produit (mobilier, voitures, appareils ménagers, objets utilitaires…), l’art graphique (ébauches d’affiches, de livres, illustration libre ou appliquée, images graphiques ou picturales…) et l’aménagement (décor de théâtre ou de films, décoration d’intérieurs…). Suivant la nouvelle réforme (cf. J.O.R.T. du 26 décembre 1995, décret n° 95-2485), le département « Art et Métiers » comprend une année commune (deuxième année du premier cycle). Le second cycle, d’une durée de trois ans, conduit à trois filières : Art et communication, Art-Artisanat et industrie, Architecture d’intérieurs-Scénographie. En vue des orientations pédagogiques, ces nouvelles filières témoignent d’une conception différente de la formation, pour une adaptation meilleure à la vie active en matière d’art, d’artisanat, d’industrie, de communication et d’aménagement. Dans ce sens, les études entreprises à l’ESBAT donnent des chances professionnelles à tout étudiant qui a développé ses propres capacités et qui sait comment les transposer dans un domaine de travail précis. La participation des étudiants à des projets réels, comme par exemple la collaboration avec des institutions publiques ou des producteurs privés, les confronte assez tôt avec les situations présentes de la pratique. L’Ecole des Beaux-Arts se doit d’encourager ce rapport avec la pratique, tout en prenant garde aux conflits critiques qui peuvent en découler. La créativité artistique doit rester le point de mire de la formation. Une conscience de soi critique, soutenue par la théorie, protège le jeune diplômé contre une soumission sans discernement sous de prétendues contraintes matérielles. Pour répondre à ces exigences, les programmes d’études comprennent tout aussi bien des thèmes artistiques et créatifs que théoriques et scientifiques. Une formation de troisième cycle en Sciences et Techniques des Arts, pour l’obtention d’un diplôme d’études approfondies (DEA) et par la suite d’un doctorat, se charge aussi bien de fournir  à l’Ecole qu’ au champ plus large de l’investigation scientifique des théoriciens compétents et dotés d’une réflexion profonde et soutenue.

    A côté des cours théoriques faisant partie intégrante des programmes pédagogiques, des missions et des stages annuels sont effectués. Des artistes, des critiques, des chercheurs, toutes disciplines confondues, portant un regard spécifique sur l’art, animent régulièrement des séminaires, des conférences, des expositions et des rencontres. C’est dans un esprit d’ouverture et dans le cadre d’une politique de coopération avec d’autres centres de recherches que l’Ecole compte assurer un rôle prépondérant dans l’avenir.