mercredi 4 mai 2016

Vient de paraître: "Le Vieux Kram, cité des figuiers au centre de Carthage"




Vient de paraître: "Le vieux Kram, Cité des figuiers au centre des jardins de Carthage", éd. Carthaginoiseries, mars 2015, Le Temps, 28 mai 2015, p. 5.  




                  
            L’ouvrage de  Abdelaziz Bey relate l’histoire du  vieux Kram, bourgade située sur une plaine qui jette son dévolu sur le golfe de Tunis, à mi-chemin entre La Goulette et  Carthage. Toute cette bande côtière,  par sa position stratégique, placée à l’abri d’un cap qui lui assurait une protection absolue, suscita, depuis les temps les plus reculés, la convoitise des conquérants venant de l’extérieur. C’est ainsi que, d’après la légende, Elyssa, princesse de Tyr, s’enfuyant de Phénicie après que son frère Pygmalion eut assassiné  Acerbas (son époux),  débarqua avec ses troupes au pied de la colline de Byrsa. L’endroit lui sembla idéal. Elle y érigea une citadelle et fonda Kart Hadasht (Carthage), la ville nouvelle, qui fut l’une des plus glorieuses cités de l’Antiquité.

            Dans son « Histoire de Rome », Tite-Live  raconte que Caton l’Ancien, envoyé en ambassade à Carthage, cueillit une figue fraîche qu’il montra à l’assemblée du Sénat de Rome, l’incitant, lors d’un discours solennel, à entreprendre la troisième guerre punique et terminant son harangue par une foudroyante formule : « Dalenda quoque Carthago » (en outre, il faut détruire Carthage) !

            Ce n’est que sous le règne de Ahmed Bey 1er (dixième souverain husseinide) que son beau-frère et ministre de la guerre, Mustapha Agha, bâtit, en ce lieu encore inhabité (connu plus tard sous le nom de Kram Agha), un palais et ses dépendances. Tout autour, une  agglomération urbaine s’édifia et prit peu à peu de l’ampleur, complétant le maillon d’une constellation de villes et de villages constituant la banlieue nord de Tunis.

            L’auteur du « Vieux Kram » a toujours désiré mener des recherches sur l’histoire de sa cité natale, à laquelle le lie une viscérale fidélité.  Glanant une somme d’informations, malgré la frugalité de la matière, en compulsant plusieurs documents écrits, il recueillit surtout des témoignages de la bouche des derniers survivants qui connurent le Kram d’antan, aujourd’hui tous disparus. Il réussit avec succès à recréer l’ambiance animée qui régnait dans cette localité où s’écoula ses douces années de jeunesse auprès de sa famille et de ses amis d’enfance, ses insouciantes années de collège, cependant perturbées par une période de pénurie due aux répercussions de la seconde guerre mondiale, puis les années qui suivirent marquées par l’euphorie de l’Indépendance, jusqu’à enfin une période toute proche.

            Au fil des pages, abondamment garnies de photographies de vues et de personnages, dont certaines tirées d’anciens albums de familles, A. Bey nous invite à scruter les moindres recoins de cette riante station balnéaire, chargée de tant de souvenirs agréables et parfois moins agréables, à parcourir ses ruelles baignées de lumière, se coupant transversalement à angle droit et convergeant vers la mer, à découvrir ses boutiques, ses cafés, sa poste, ses lieux de culte et ses espaces de loisir, sa plage au sable d’or tout animée durant la saison estivale par les baigneurs et les promeneurs et, par-dessus-tout, ses habitants. Car l’élément humain, dans ce récit, constitue un véritable centre d’intérêt. Composés de diverses communautés et de diverses confessions, venant de toute part et d’ailleurs : princes distingués, personnages de haut relief et bourgeois cossus,  gens ordinaires, juifs de souche et juifs livournais, colons français ou italiens originaires de Malte et de Sicile et de bien d’autres contrées européennes, exerçant tous des professions multiples et des métiers divers : administrateurs, enseignants, médecins, mais aussi épiciers, charcutiers, barbiers, tailleurs, cuisiniers, cochers… Toutes ces bonnes gens, vivant en bonne intelligence, ont été décrits dans leurs habitudes et leur quotidienneté aux moindres détails. Et l’on se souvient, à travers cette galerie de portraits, de certaines personnes qui nous ont  quittés depuis longtemps, de certains visages familiers que l’on croyait avoir oublié et qui sont ressuscités par notre infaillible mémoire. Tant d’événements se sont produits, tant de vent avait soufflé, balayant le passé. Tout un monde estompé par le temps, dont les vestiges dépérissent avec l’écoulement des jours, un monde que la jeunesse  n’avait  point connu et dont plus personne n’en parle aujourd’hui. Ce vieux Kram là au charme pittoresque a presque totalement disparu, cédant à une poussée démographique et urbaine consternante et inévitable.  Le lecteur, en parcourant ces magnifiques pages pleines d’entrain, bercé par une douce et  nostalgique mélancolie, replonge dans un univers  sans date, un univers intime et secret à jamais révolu.         
        

                                                                                                                   Khaled Lasram
    





"Le Vieux Kram"

 

"Paru aux éditions Cartaginoiseries, le livre de Abdelaziz Bey sur l'histoire du Kram donne enfin un ouvrage de référence à cette ville de la banlieue nord. Du domaine de Kram l'Agha à la ville cosmopolite du vingtième siècle, c'est une plongée dans le génie des lieux à laquelle nous invite cet ouvrage richement illustré.

Les éditions Cartaginoiseries ont récemment publié un ouvrage de Abdelaziz Bey qui porte le titre de "Le Vieux Kram" et propose de retrouver quelques pages d'histoire de cette banlieue au nord de Tunis. L'auteur est un haut cadre aujourd'hui à la retraite qui propose des souvenirs vécus dans sa ville natale et arpente les méandres de l'histoire de cette ville.

Qualifiant Le Kram de cité des figuiers au centre des jardins de Carthage, Abdelaziz Bey développe son propos en 250 pages qui ne laissent pas indifférent et sont en prime richement illustrées par des photographies d'époque dont la plupart proviennent des albums familiaux.

Connaissez-vous

Kram Lagha ?

Le livre est préfacé par Mohamed El Aziz Ben Achour qui éclaire le lecteur sur le sens du terme Kram qui désigne cette localité. En effet, Ben Achour écrit : "Jusqu'au milieu du dix-neuvième siècle, c'était ici le vaste domaine de Mustapha Agha, haut dignitaire beylical. Les figuiers semblent avoir occupé dans cette exploitation une place éminente puisque le nom de ce qui devint la localité présentée dans le livre est tiré de l'expression Kram Lagha, ce qui signifie Les figuiers de l'Agha".

Le livre de Abdelaziz Bey présente aussi bien un rappel historique qu'une rétrospective du vécu de cette charmante localité multiculturelle. La postface de Khaled Lasram souligne d'ailleurs ce cosmopolitisme du Kram avec sa population "composée à la fois d'autochtones et de colons originaires pour la plupart de Sicile, de Malte ou du midi de la France". Lasram continue en soulignant que l'auteur " a voulu à travers son récit nous raconter l'histoire d'une ville telle qu'elle a été et telle qu'il l'a vécue" en y réussissant pleinement.

L'ouvrage est clairement structuré en dix chapitres qui abordent tous les aspects de l'histoire et du présent. Adossé à une importante bibliographie, l'auteur ne délaisse aucun détail et tente d'être le plus précis possible dans son évocation des lieux. Il se penche d'abord sur la localisation du Kram par les historiens et les géographes, remontant jusqu'aux sources latines et apportant des éclairages par les textes. Il aborde ensuite la complexité de la population du Kram et ses origines dans un troisième chapitre qui est le plus fourni de l'ensemble.

Une œuvre utile et documentée.

Ceci dit, ce sont successivement les activités commerciales, celles liées aux loisirs ou au sport qui forment ensuite l'ossature du livre qui n'omet aucune enseigne, aucune association, aucun café de ceux qui ont laissé des traces dans la mémoire populaire. C'est ensuite au tour des établissements scolaires et des lieux de culte d'être étudiés dans leur diversité, avec l'objectif de transmettre une mémoire encore vivante. Comme il se doit, l'ouvrage se termine par une évocation de la plage du Kram, lieu cardinal pour tous les habitants de la ville.

Le propos de Abdelaziz Bey navigue entre nostalgie et devoir de mémoire. Tout en déplorant certaines dérives et pollutions, l'auteur se consacre à son propos central : celui de transmettre le vécu et l'histoire d'une ville. Et il y parvient fort bien, photos et cartes postales d'époque à l'appui. Mieux, l'ouvrage regorge d'anecdotes, de citations, de rappels que seul le génie des lieux peut capturer. Avec ce livre, l'auteur fait œuvre utile et apporte au Kram l'ouvrage qui lui manquait. En effet, de La Goulette à Carthage, toutes les villes ont un livre de référence et, enfin, grâce au travail de l'auteur, Le Kram a le sien. Une œuvre utile, documentée et de surcroît agréable à lire."

 

Hatem Bouriel/ le Temps/ 2017

                                         


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