dimanche 31 mai 2020



                 "Abdelaziz Ben Raïs, Aux Origines de la Peinture en Tunisie" 






Il a fallu de longues et patientes recherches pour retrouver chez des collectionneurs avertis les toiles qui sont reproduites dans ce livre et qui nous révèlent un peintre et une œuvre restés trop longtemps inconnus du public.

Il s’agit pourtant d’un artiste qu’il faudra désormais considérer comme l’un des fondateurs d’une peinture de chevalet tunisienne mais aussi comme l’un des peintres importants de la Tunisie durant la première moitié du XXè siècle. Parce que Abdelaziz Ben Raïs est un peintre véritable ; sa vie entière, il n’a fait que peindre, sans doute parce que, comme sans doute Claude Monet « il ne savait rien faire d’autre ». C’est ainsi que s’est affirmé le tempérament d’un artiste amoureux des hommes et de la nature, un passionné de la lumière qu’il capte avec un talent consommé.

Malgré son handicap (il était sourd et muet), ou peut-être en raison de son handicap, A. Ben Raïs a su appréhender avec une infinie tendresse sa ville, ses aventures, sa Médina, ses ruelles de banlieues…Qu’il s’agisse de dames conversant sur un banc public, de bourgeois cosmopolites attablés sur la terrasse d’un café ou de passants dans les ruelles de la Médina, les personnages ont dans ses toiles une présence qui révèle une profonde sympathie et un attachement sincère de la part de l’artiste.

S’il a privilégié les sujets que lui inspire son environnement à la fois traditionnel et moderne, il a échappé à l’écueil de l’exotisme et du folklorisme. Il a su mettre au service de sa sensibilité et de da sincérité une parfaite maîtrise technique. Là est le secret de son génie.

                                            (Mohamed Masmoudi, fondateur de Sud Editions)


Actualités de la Tunisie 14 octobre 2006




Avec le peu de matière à sa disposition, le professeur Khaled Lasram nous a offert un bijou appelé : “Abdelaziz Ben Raïs”. L’édition d’un livre est toujours un événement heureux dans le paysage de la création. Que dire de la parution d’un beau livre, qui plus est sur les arts plastiques. Après “Tunis naguère et aujourd’hui” de Zoubeïr Turki, Sud Editions se plaît dans ce nouveau genre un brin exigeant et nous gratifie d’un petit bijou intitulé “Abdelaziz Ben Raïs”, qui va trouver sa petite place sur les étalages de nos librairies et bibliothèques. Jeudi soir, il y avait foule à Dar El Jeld de la Médina de Tunis. Nous avons vu entre autres le ministre de la Culture et de la Sauvegarde du Patrimoine et son cortège officiel. L’occasion était aussi des retrouvailles et l’ambiance,fort conviviale. Comme au bon vieux temps. “Le nom de Ben Raïs m’était tout au début inconnu. Au fil de notre travail avec le chercheur et professeur Khaled Lasram, aidés par les nouvelles technologies et autres supports d’informatiques et les quelques collectionneurs, nous avons appris à aimer ce peintre, perdu de vue depuis une cinquantaine d’années. Nous n’avions pas assez de toiles. Il faut vraiment aller les chercher chez les mordus d’art. Nous avons trouvé chez les uns, un Ben Raïs, chez d’autres quatre, cinq ou douze Ben Raïs et nous avons collecté une soixantaine. D’ailleurs jusqu’à la veille de la publication, nous est parvenue une toile appartenant à un avocat, “La fille à la poupée”. Notre rôle est de valoriser la peinture de chez nous. Faites-le lire et offrez-le. Je crois que vous faites une bonne action”, a notamment dit Mohamed Masmoudi, patron de Sud Editions. Il était entouré de Khaled Lasram, auteur de l’ouvrage et qui enseigne l’histoire de l’art à l’Institut supérieur des Beaux-Arts de Tunis. Cet ancien de la Sorbonne qui affectionne le travail sur la peinture orientaliste française notamment celle de l’Egypte de la période de 1869 à 1914 nous prépare pour les jours à venir un ouvrage sur le premier portraitiste tunisien, Ahmed Ben Osman. “Je remercie l’éditeur qui a cru à mes recherches et m’a apporté tout le soutien afin de défricher le début de la peinture figurative chez nous. Mon travail n’est pas une simple biographie mais un travail approfondi sur les facteurs idéologiques, sociologiques et artistiques de cette époque de la première moitié du XXème siècle, et sur son insertion dans la peinture, sur son langage nouveau et significatif et sur le choix de ses sujets. Il y a deux jours, un collectionneur est venu me voir avec un carré d’une scène de plage et ça m’a touché. Le galeriste Moncef Msakni nous a prêté les deux originaux qu’on a accrochés ici-même. Je lance donc un appel pour que les collectionneurs se manifestent un peu plus. Ceci va pousser nos chercheurs à se mettre au travail pour réveiller d’autres talents que l’histoire a omis”, a précisé Khaled Lasram qui a voulu rendre un hommage posthume à cet “illustre-inconnu”. Abdelaziz Ben Raïs (1903-1962) était un sourd-muet. Mais sa sensibilité à son entourage était très développée et à fleur de peau. Il peignait tendrement et avec de petites touches les ambiances modernes et traditionnelles et sans jamais tomber dans “l’exotisme et le folklorisme”. Ses toiles dégagent beaucoup de sincérité. Pour les intéressés, le livre offre un bon continu rendant compte de la démarche de ce peintre, intermédée avec des analyses des lectures fondées. Ses 160 pages sont généreusement illustrées avec des toiles photographiées par Nicolas Fauqués. Quant à la jaquette, c’est un réel plaisir pour les yeux et une véritable invitation à la lecture.
                                                                                                                                      Zohra ABID




                                                             

                                            Centre d'Art, A. Ben Raïs (debout à droite), 1927


Source : LeQuotidien: lequotidien-tn.com

Entretien avec… Khaled Lasram, auteur du livre : Abdelaziz Ben Raïs, aux origines de la peinture en Tunisie

 

Khaled Lasram est une figure bien connue et appréciée dans le milieu culturel tunisien. Enseignant en histoire de l’art à l’Isbat depuis plus d’une vingtaine d’années, ses recherches, menées avec discernement et rigueur, traitent généralement de l’art contemporain en Tunisie. Il est aussi plasticien à ses heures; on connaît ses peintures, exposées régulièrement dans nos galeries d’art, où s’affirme un style personnel, mûr et accompli.

 

Aujourd’hui, il consacre un livre sur l’un de nos artistes précurseurs, Abdelaziz Ben Raïs, jusque-là méconnu du public et qui, pourtant, a foulé au même moment que Yahia Turki le domaine de la peinture de chevalet.

Le choix opté pour cet artiste ne tient pas compte uniquement de l’intérêt historique et documentaire de ses œuvres, mais aussi et peut-être surtout de leur valeur artistique. Car il s’agit, à travers ses peintures, d’un véritable hymne rendu à la lumière de notre beau pays et à ses doux rivages méditerranéens, témoignant d’une habileté certaine dans l’exécution, d’une sensibilité vive et d’un goût sûr.

L’ouvrage de Khaled Lasram, essentiel à la connaissance de la peinture tunisienne, couvre la période allant du moment de la création du Centre d’art en 1923, année durant laquelle Ben Raïs s’y inscrit, jusqu’à la mort de l’artiste en 1962. Une place non négligeable est accordée aux événements qui ont marqué cette époque, faisant l’objet de notices fournies, qu’il s’agisse de foyers culturels, d’associations ou de groupes d’artistes et qui permettent d’ancrer historiquement le parcours de notre peintre.

La vie singulière et hors du commun de Abdelaziz Ben Raïs, frappé depuis sa tendre enfance d’une surdimutité qui l’a accompagné sa vie durant, est raconté dans toutes ses circonstances, à travers des détails souvent pittoresques et savoureux, dans un style alerte et élégant, à la manière d’un roman.

Nous nous sommes entretenus avec l’auteur à propos de son livre, qui paraîtra dans les prochains jours grâce à l’excellente initiative de «Sud Editions», qui s’applique, depuis quelque temps, à diffuser une série d’ouvrages d’art dont récemment le fameux Tunis, naguère et aujourd’hui de Zoubeïr Turki, épuisé depuis longtemps et paraissant de nouveau sous forme d’un élégant volume de mêmes dimensions que l’original. 

 

Vous êtes connu en tant que plasticien, enseignant et chercheur. Pensez-vous que votre livre est à la fois marqué du sceau de cette triple expérience? 

 

Certes, mon intérêt pour l’art contemporain en Tunisie m’a amené à analyser, à travers une série d’articles, une multitude de questions diverses, telles que les différentes institutions qui ont été établies, avec l’installation du Protectorat et qui ont préparé à l’affermissement des valeurs culturelles et artistiques occidentales dans le milieu autochtone, les différentes étapes qui ont jalonné l’évolution de l’art en Tunisie, les groupes d’artistes et la création de l’Ecole de Tunis, la chronique d’art et les comptes rendus d’expositions, le marché de l’art, etc. Autant de questions clés que j’avais traitées et qui m’ont incité à m’intéresser de plus près à quelques artistes éclaireurs, parmi les précurseurs, dont Abdelaziz Ben Raïs. Ce dernier a retenu particulièrement mon attention, vu que son œuvre, assez remarquable, demeure peu connue du public amateur.

Parallèlement à tout ce qu’a pu me révéler la discipline de l’histoire de l’art, comme modes de lecture et comme méthodes efficaces d’accès aux œuvres, ma pratique de la peinture m’a certes préparé à mieux appréhender les productions de Ben Raïs, à considérer leur aspect proprement plastique et surtout à les placer dans leur contexte culturel et social. 

 

Votre livre paraît être plus qu’une étude sur la vie et l’œuvre d’un artiste, il soulève tout un ensemble d’éléments d’ordre historique, social ou esthétique touchant, dans une vision plus globale, au champ de l’art pictural en Tunisie… 

 

Je n’ai pas cherché à faire de ce présent travail une simple monographie, mais une recherche plus complète et plus détaillée sur les premiers moments de la peinture tunisienne et la réception de ce savoir-faire et de cette nouvelle expression par nos artistes nationaux. Loin de me limiter à une expérience individuelle, j’ai donc opté pour une grande diversité dans l’information en intégrant des faits, des événements. L’histoire de l’art ne pourrait être simplement historique et ne limite pas son ambition à faire l’histoire des artistes. Elle prend aussi en compte les facteurs socio-culturels et idéologiques qui peuvent influer sur la vision de l’artiste et déterminer sa propre conception de l’art. Car si, d’une certaine manière, tout créateur de quelque originalité, mène une aventure solitaire, il n’en est pas moins vrai que le recours à des notions tantôt historiques, tantôt purement esthétiques demeure indispensable si l’on ne veut pas s’égarer. 

 

Propos recueillis par Bady Ben Naceur              Source: La Presse  10 Septembre 2012

 



(Madame Manoubia Ben Ghedahem, Maître de Conférences en Littérature à l’Institut supérieur des Langues de Tunis, a présenté l’ouvrage de Khaled Lasram sur Abdelaziz Ben Raïs au Colloque international qu’avait organisé, les 17 et 18 novembre 2020, l’ « Ichara » et le laboratoire « Langue et formes culturelles » à l’Institut supérieur des Langues de Tunis. Son intervention a eu beaucoup de succès et a suscité des interactions enrichissantes auprès des intervenants.

En s’appuyant sur des projections en data-show de quelques œuvres de Ben Raïs, Madame Ben Ghedahem a démontré à travers  son discours qu’il faut impérativement changer de mentalité concernant le phénomène de la surdité. Elle considère  que celle-ci  n’est pas toujours un handicap, sauf si on le veut. Le vrai problème, explique-t-elle, est un problème de moyens, de chances données à l’enfant.

Le cas de Abdelaziz Ben Raïs reste un cas significatif : « Son milieu aisé et ouvert d’esprit » a été « une chance qui lui permit de dépasser ce qui était censé le handicaper. » Il trouva dans la peinture le meilleur moyen d’exprimer ses sensations. Alors que généralement, conclue-t-elle, on place les sourds parmi les déficients mentaux, un Tunisien, au début du siècle dernier, a réussi à montrer qu’il n’en est rien. »)



 

Tunisia News- Number  676 - September 30, 2006. P. 13.

ART BOOK BY “SUD EDITION”

“Life and works of precursor Abdelaziz Ben Raïs by Khaled Lasram”

 

Khaled Lasram is a well-known and appreciated figure in the Tunisian world of culture. A teacher in Art history at the Fine Arts H Institute for over twenty years, his research witch he conducted which he conducted with discernment and rigor, generally deal with contemporaneous art I Tunisia. He is also a visual artist when he feels like it; his well-known paintings are regularly exhibited in our art galleries where a personal, mature and accomplished style is asserted. Today, he is devoting a book about one of our precursor artists, Abdelaziz Ben Raïs, until now ignored by the public and who, however, stepped into the world of easel painting at the same time as Yahya Turki.

The choice taken for this artist does not take into consideration only the historical and documentary   interest of his works, but also perhaps their artistic value. For, through his paintings, it is a true hymn to the light of our beautiful country and to its sweet Mediterranean shores, giving evidence of a true sill in the execution, of a great sensitivity and of a reliable taste.

Essential to the knowledge of Tunisian painting haled Lasram’s work covers the period that goes from the time the Art Center was founded in 1923, the year when Ben Rais enrolled there, until the artist’s death in 1962.

A by no means insignificant place is granted to the evets that marked that period, being the subject of extensive notices, be they cultural centers, associations or groups of artists that allow our painter’s career to be historically rooted.

The remarkable ad unusual life of Abdelaziz Ben Rais, who had been struck ever since his early childhood by deaf-and-dumbness that stayed with him all along his life, is depicted in all of its circumstances, through often colorful and delightful details, in a lively and smart style, in the form of a novel.

His book is to be published in the next few days thanks to the excellent initiative of “Sud Editions” that has, for some time, been endeavoring to circulate a series of Art works, among which the famous Zoubeir Turki’s Tunis, in the Past and Today, out of print for a long time and appearing under the shape of an elegant volume that has the same dimensions as the original.

You are known as a visual artist, a teacher and researcher. Do you think that book is marked by the seal of this triple experience?

Indeed, my interest in contemporaneous art in Tunisia has led me to analyze, though a series of articles, a multitude of various questions, such as the different institutions  that were established  with the settlement of the Protectorate and that led to the strengthening of Western cultural and artistic values in the native milieu, the different steps that punctuated the evolution  of art in Tunisia, the groups of artists and the creation of the Tunis School, the Art chronicle and the exhibitions reports, the art market, etc. As many key issues that I had dealt with and that led me to look more closely at some guiding artists, among the precursors, Abdelaziz Ben Rais being one of them. The latter attracted my attention particularly, as his rather remarkable work is still very little known by the amateur public.

In parallel to all that the subject of art history has been able to reveal to me, as modes of reading and as efficient methods to have access to the works, my practice in painting did, indeed, prepare me to better apprehend Ben Rais’s productions, to consider their specifically visual art aspect and mostly, to place them I their cultural and social context.

Your book seems to be more than a research on an artist’s life and works, it brings up a whole set of a historical, social or esthetic order having to do, in a more global vision, with the field of visual art in Tunisia…

I did not try to do with this current work a simple monograph, but a more complete and more detailed research on the first moments of Tunisian painting and the and the reception of this know-how and of this new-expression  by our national artists. Instead of limiting myself to an individual experience, I have thus, opted for a greater diversity in the information by integrating facts, events. Art history could not be simply historical and it does not limit its ambition to make artists’ history. It also takes into consideration the socio-cultural and ideological factors that may have an impact on the artist’s vision and determine his own conception of art. For, if, in a certain way, every creator of any originality, leads a solitary adventure, it is no less true that having recourse to notions that are, once historical, and once purely esthetic remains necessary if we do not want to wander from the point.         

 

 

 

 

 

 














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