Commémoration : Cheikh Ahmed Ben Miled, un illustre savant zeïtounien * Khaled Lasram "Réalités", 23 décembre 2016, n° 1617, pp. 46, 48, 50.
Il y a presque un demi-siècle, disparaissait l’une des
figures les plus représentatives de l’Université de la Zitouna : Cheikh
Ahmed Ben Miled. Modèle de vertu, de droiture et d’abnégation, il dédia sa vie
entière au culte de la foi et au service du savoir. La nouvelle de sa mort,
annoncée soudainement le 18 décembre 1970, plongea les milieux intellectuels et
une large population dans une profonde consternation.
En effet, invités
à Kairouan par le Professeur Mahmoud Gribaa qui avait organisé une veillée consacrée
à la lecture du Coran, après avoir auparavant accompli l’incontournable visite
du sanctuaire du Compagnon du Prophète Abou Zam’a al-Balawî, Cheikh Ahmed, ses
condisciples Cheikhs Arbi Annabi et Mohamed Ghrissi, ainsi que Mustapha Nasra
et le docteur Ben Abda furent victimes, sur la route du retour, d’un grave
accident qui coûta la vie à toutes ces pieuses personnes. Les Imams des
mosquées, lors de leur prêche, implorèrent la clémence du Seigneur pour ces
regrettés disparus. Ils célébrèrent en particulier les qualités exceptionnelles
du Cheikh Ahmed Ben Miled, un si précieux personnage dont la perte entraîna un
grand vide au sein de la constellation des moudarris qui brillaient alors d’une
dernière lueur, et dont il n’en subsistait qu’un nombre restreint, après la
fermeture forcée, au lendemain de l’Indépendance, de la séculaire Université de
la Zitouna.
Né en 1911
à Tunis, dans une famille appréciée pour sa haute moralité et la dignité de ses
mœurs, le jeune Ahmed reçut une éducation soignée où se rejoignent la rectitude
et la courtoisie. Mais il perdit son père, Haj Md Tijani Ben Miled (Amine de la
Corporation des agriculteurs), alors qu’il avait à peine huit ans. Sa mère, Jenaïna, fille de Hassouna Ben
Youssef, veilla de près à son instruction. Elle l’envoya à l’école al-Arfania
de l’Association caritative islamique, rue al-Wirghi, et c’est grâce aux soins
de maîtres dévoués et compétents, tels que les Cheikhs Abdelkader Attia, Arbi
Mejri, Mohamed Manachou, Mohamed Boudhina et Abderrahmane Bousnina, qu’il put
recevoir une formation assez solide en langue arabe et
assimiler quelques notions préliminaires en fiqh al-‘ibâdât (pratiques
cultuelles) et en tafsir (commentaire du Coran). (1)
De nature
sociable et communicative, le jeune élève se lia d’une amitié durable avec quelques-uns de ses camarades, en particulier
Ahmed Khayreddine (qui sera plus tard connu pour ses pièces de théâtre
radiophoniques et ses paroles de chansons) ainsi que Hédi Labidi (figure
marquante de la Presse en Tunisie) et Brahim Bouallègue (khélifa des banlieues).
C’est d’ailleurs avec ces deux derniers, comme il le racontait lui-même, qu’il
rivalisait de talent en matière de tajwid. (2)
Dès son entrée à la prestigieuse
Université de la Zitouna, il assista régulièrement aux cours magistraux assurés
par une pléiade d’ulémas de grande réputation : Cheikh Md Aziz Djaït,
Mohamed Zaghouani, Mohamed Ben Youssef, Taïeb Siala, Mouaouia Témimi, Md Béchir
Naïfar, Hattab Bouchnak, Sadok Chatti, Belhassen Najjar, Md Salah Dorii, Abdessalam
Tounsi et bien d’autres encore, de la même trempe.
L’enseignement
zeïtounien se basait sur un programme à long terme qui s’appliquait aux deux
cycles, secondaire et supérieur. Il s’achevait par l’octroi d’une licence
(Alimia) « section sciences religieuses » (qism chara’i) ou d’une
licence « section langue et littérature arabe » (qism adabi). (3) Ces
deux sections se donnent pour principal objectif la préservation de l’Islam en
tant que dogme et lois canoniques (chari’a) et la conservation de la langue
arabe en tant que langue du Coran. Dans un contexte historique où se maintenait
une politique coloniale d’assimilation, d’asservissement et d’acculturation, la
Zitouna constitua un bastion défensif, œuvrant à la sauvegarde des valeurs de
base de la société tunisienne et joua un rôle déterminent dans l’affermissement
de l’identité nationale.
Doté d’une
infaillible mémoire, le studieux talib Ahmed Ben Miled gravit rapidement les échelons.
On lui fit sauter une année grâce à son excellent niveau, et il subit avec
succès ses examens de la Ahlia (1er cycle secondaire), du Tatwi’
(2eme cycle secondaire) (1930) (4) et de la 'Alimya, qism chara’i, (équivalent à la
licence) (5). En 1935, à l’âge de vingt-quatre ans, il décrocha le Tadris de
troisième classe. Ce diplôme l’habilita à l’exercice de l’enseignement. Il ne
tarda pas à obtenir le Tadris de deuxième classe, à la suite duquel il fut
affecté, en plus de son poste permanent à la Grande Mosquée, au Collège Sadiki
et à l’Ecole Normale d’Instituteurs. En 1942, il obtint sur concours le tadris
de première classe, ce titre étant réservé à quelques élus qui jouissaient à
cette époque de la haute estime et du respect dus à leur sagesse et à leur
érudition. Ces moudarris de première classe se distinguaient, dans leur
apparence extérieure, par le port d’une jebba dont la frange est ornée de « chmiss »
(motifs en forme de soleil). (6)
Comportant plusieurs matières : ‘aqîda,
hadîth, fiqh, usûl…, les cours et séminaires qui incombaient au Cheikh Ahmed nécessitaient
une révision systématique des manuels de base inscrits dans le programme. Celui-ci
les complétait par une consultation de divers commentaires, abrégés, glossaires
et variances de textes, étendant la sphère de ses connaissances par un effort
personnel et continu. C’est ainsi qu’il fut parmi les enseignants les plus
sollicités en vue de participer au grand projet d’aménagement et de réforme de
l’enseignement mis en application par le Recteur Cheikh Md Tahar Ben Achour.
(7) L’un des points les plus importants de ce projet fut la suppression de
vieux livres enseignés jusque-là et dont le contenu se réduit, pour leur part, à
des emprunts et à des compilations. Ces derniers sont remplacés par d’autres
livres, plus méthodiques, alimentés par une analyse réflexive et une pensée
critique, suscitant chez le lecteur plus de clairvoyance et de largeur de vue.
En ce sens, et grâce à ses qualités scientifiques, Cheikh Ahmed a été désigné
par le Recteur de la Zitouna, à ce moment Cheikh Md Aziz Djaït (lui-même
fervent partisan des réformes déjà esquissées par son prédécesseur Cheikh Ben
Achour) pour enseigner quelques ouvrages destinés aux étudiants du cycle
supérieur. Ces ouvrages comptent sans doute parmi les plus complexes et les
plus approfondis en matière de usûl al-‘aqîda (dogme) tel que :
« al-‘Aqâid an-Naçafîya », célèbre traité de croyance de l’Imam
an-Naçafî (XIe-XIIe s.), ou en matière de usûl (méthodologie de droit) tels que
« Jam’ al-Jawâmi’ » de Tajeddine Ibn as-Assoubkî (XIVe s.), commenté par
al-Jalâl al-Mahalli (usûl al-fiqh) et, notamment, «al-Ichrâf ‘alâ masâil
al-khilâf » du Cadhi Abdelwahab (Xe-XIe s.). Dans ce dernier ouvrage,
l’auteur tente de faire prévaloir ses avis, à travers un raisonnement très
argumenté et persuasif, sur des questions controversées et maintes fois débattues
par les fouqahas de l’école malikite et ceux des autres écoles sunnites. (8)
Tous ces recueils destinés aux étudiants de niveau supérieur ont donc été
confiés au Cheikh Ben Miled, eu égard à son niveau intellectuel élevé et à sa
vaste culture.
Cheikh Ahmed Ben Miled tenant séance de cours, à proximité de
la dokkana (banc) d’al-Khidhr, côté ouest. Ses tolbas, accroupis,
l’entourent en demi-cercle (halqa). (Cette photographie, prise le 2 avril
1953, est, à cette époque, le seul et unique document se rapportant à ce sujet). (9)
En 1943, il a été nommé Cadhi
(magistrat) au Tribunal Mixte immobilier et, en 1953, il a été investi de la
charge de Mufti malikite, fonction juridique et civile exigeant des
interprétations du droit canonique. Symbole de sa nouvelle dignité, il porta
dès ce moment sur les épaules un taylasân (châle en cachemire).
Tribunal Mixte Immobilier (1946-47) (institué en 1885, dénommé depuis 1957 Tribunal Immobilier de Tunisie). Au centre, Cheikh Ahmed Ben Miled, 2è à sa gauche, Cheikh Md Hédi Belkadhi.
En 1949, il a
été désigné en tant que membre des tribunaux supérieurs du chara’, que présidait
à ce moment Cheikh Md Aziz Djaït, en sa qualité de Cheikh Islam malikite et
Ministre de la Justice. Cheikh Ahmed fit ainsi partie de la commission qui
contribua à l’élaboration de la lêiha (proposition de loi) codifiant le Statut
personnel et le droit immobilier. Cet avant-projet devança le Code du Statut
Personnel (CSP), promulgué en août 1956, sous l’impulsion de H. Bourguiba,
alors président du Conseil des Ministres. (10)
CSP promulgué le 13 août 1956 et signé par le Premier ministre et chef du gouvernement Habib Bourguiba
Ce nouveau
Code, abolissant l’ancienne législation, suscita d’ailleurs de vives réactions
dans le milieu zeïtounien. Treize parmi
les membres des tribunaux malikites et hanafites, dont Cheikh Ahmed Ben Miled, avaient
signé une fatwa collective désapprouvant certains des articles mentionnés dans
le nouveau Code, notamment ceux interdisant la pratique de la polygamie et de la
répudiation qu’ils trouvaient « non conformes aux prescriptions du Coran,
de la sunna et de l’ijma’ (accord complet des oulémas) ». La plupart de
ces signataires, dont les noms suivent, furent révoqués ou mis à la retraite
par les Autorités : Cheikh Mohammed Abbès (Cheikh Islam hanafite), Md
Béchir Naïfar, Ibrahim Naïfar, Md Hédi Belkadhi, Ali Mehdi Naïfar, Mohamed
Mestiri, Ali Belkhodja, Taïeb Siala, Hattab Bouchnak et enfin Cheikh Ahmed Ben
Miled qui se démit de sa charge en tant que membre des Tribunaux du Chara’. (11)
Au Diwân du Tribunal charaïque ; de g. à d. Cheikhs Md
Aziz Djaït, Taïeb Siala, Ahmed Ben Miled (en communication téléphonique) et
Brahim Naïfar.
Tout absorbantes
que furent ses obligations, Cheikh Ahmed consacra des séances d’initiation
spécialement destinées au grand public. Bientôt sa renommée attira une
affluence de gens de tous âges et de toutes conditions, et ses conférences, qui
se déroulaient simultanément à la Grande Mosquée et à la Mosquée Abi M’hamed (au
quartier de Bab Souika), connurent un grand succès.
Habitué à un
enseignement de haut niveau destiné aux tolbas zeïtouniens, en habile
initiateur, dès qu’il s’adressait à ce public hétéroclite, il avait cette
capacité à pouvoir expliciter les données les plus complexes en les rendant
plus faciles à comprendre et en les simplifiant à la mesure et au niveau de
ceux qui l’écoutaient. S’adonnant à la lecture et à l’explication de la fameuse
« Risâla » d’Abou Zaïd al-Qayrawânî (Xe s.), (épître contenant les
rudiments du dogme et de la loi de l’Islam selon le rite malikite), ses propos s’entremêlaient
de fines réflexions et de remarques
pertinentes qui aiguisaient les esprits. Il faisait surtout vibrer le cœur
d’une jeunesse qui n’avait point reçu une éducation religieuse, en lui
présentant l’Islam à travers une compréhension saine et authentique. Il révélait
la pureté de cette religion de hautes vertus, un Islam de tolérance,
d’indulgence et de charité loin de tout charlatanisme, de toute superstition et
de tous préjugés contraires à la raison.
La
dissolution de l’enseignement zeïtounien et la création, en 1961, de la Faculté
de Chari’a et de Théologie constituèrent une véritable mise au rancart de la
vieille Université. Certains moudarris
ont été relégués dans des lycées secondaires, d’autres placés en retraite
anticipée. Quelques anciens étudiants sont parvenus à poursuivre leurs études
en Europe ou au Moyen Orient, mais à leur retour, leurs brevets n’ont pas été
reconnus et validés. La majorité des diplômés zeïtouniens n’ont pu accéder à
des fonctions importantes dans les institutions étatiques et ont été dans
l’obligation d’accepter, dans la plupart des cas, des postes
administratifs subalternes. L’Institution zeïtounienne, qui était prédisposée à
continuer une œuvre réformatrice, qui œuvrait à poursuivre la promotion de son
régime d’enseignement, fut ainsi réduite à une simple faculté de Théologie et
de Sciences religieuses. (12)
Notre Cheikh a été parmi ceux des plus
indignés, laissant clairement entendre son indignation dans une requête
adressée au Président de la République en protestant, tant en son nom qu’en
celui de ses condisciples zeïtouniens, contre une initiative qu’il jugeait condamnable,
du fait même que la Zitouna, bastion de la science et de l’héritage
arabo-islamique, qui rayonna treize siècles durant sur la Tunisie, et qui joua
un rôle notoire dans la lutte nationale contre le Colonialisme, ne pouvait être
rayée d’un seul trait et d’une manière aussi injuste et injustifiée !
Cette requête n’a point eu de réponse… De même, suite à l’appel du
Président de la République de l’époque aux fonctionnaires et aux ouvriers de ne
plus pratiquer le jeûne du Ramadan (1958), sous prétexte d’améliorer le
rendement et d’augmenter la productivité, suite aussi à l'annulation de la ru'ya (constatation oculaire) pour fixer le début du mois de Ramadan et sa substitution par le calcul astronomique, Cheikh Ahmed Ben Miled manifesta
vivement son désaccord, allant jusqu’à inciter à l’émeute les élèves et même
quelques enseignants de la Zitouna.
Cheikh Ahmed Ben Miled, en 1958, entouré de ses derniers
tolbas avant la dissolution de l’Université zeïtounienne et son transfert à la
Faculté de Chari’a. (13)
A l’instar
de certains de ses pairs, Cheikh Ahmed a été muté à la nouvelle Faculté de
Chari’a et de Théologie, dirigée par son Recteur Cheikh Md Fadhel Ben Achour. Des
générations successives de disciples et d’anciens élèves se souviennent encore
aujourd’hui de ses séances de cours, reconnaissant en lui le maître incontesté
qui non seulement se distinguait par une culture encyclopédique mais qui, de
par son éloquence entraînante et son choix de l’expression, exerçait sur son
auditoire un ascendant et une grande autorité. Ses discours fort prisés,
il les assaisonnait de subtiles assertions, de déductions fort habiles et
d’improvisations savoureuses qui mettaient ses interlocuteurs en extase. Tous
ses émules s’accordaient unanimement sur le fait que le Cheikh Ben Miled se
distinguait par un esprit d’à-propos et par une faculté de persuasion hors
pair. (14)
Cheikh Amed Ben Miled (à droite) en compagnie d'une délégation. On reconnait parmi les invités au Congrès d' "Ibn Khaldoun" organisé au Caire (1962) : Cheikh Fadhel Ben Achour, doyen de la Faculté de théologie, et Cheikh Ezzedine Sallam.
Parmi ses
innombrables étudiants, je m’arrêterai sur deux personnalités qui jouissent de nos
jours d’une certaine notoriété : Cheikh Md Mokhtar Sallami (formé à la
Zitouna, ancien Mufti de la République (1984-1998), membre de l’Assemblée
internationale du fiqh rattachée à l’Organisation de la Conférence islamique à
Djeddah) et Cheikh Abdelfattah Mourou (plus jeune, ayant assisté aux cours
donnés par le Cheikh Ben Miled dans certaines mosquées de la capitale, avocat à
la cour de Tunis, premier vice-président de l’Assemblée des représentants du
Peuple, et surtout un des plus fervents prêcheurs de la capitale). L’un et
l’autre vouant pour leur maître une admiration sans borne, se réclament, -et
ils en tirent une légitime fierté- de « l’Ecole du Cheikh Ahmed Ben
Miled ».
Je ne
manquerai pas d’évoquer ici le souvenir de mon père, Cheikh Md Ali Lasram, que
Dieu ait son âme, qui a été, dès son entrée à la Zitouna, séduit par le
caractère plein d’entrain et de vivacité du Cheikh Ahmed, par sa grande
facilité d’élocution (ilqâ), par sa capacité à captiver l’attention de son
auditoire et à magnétiser leur esprit. « Il nous donnait à ce moment-là,
racontait-il souvent, un cours sur le « Mukhtasar » (condensé) du
Cheikh al-Mayyâra al-Fâsî (XVIIe s.) ; il s’agit d’un commentaire (charh)
du fameux Matn (texte principal) de son maître Ibn ‘Âchir : « al-Murchid
al-Mu’în ‘alâ adh-dharûrî min ‘ulûm ad-dîn » (Le guide qui nous aide à
connaitre l’essentiel des sciences de la religion). Ce dernier recueil, très
complet, écrit sous forme de poème (nadhm) composé de 317 vers et divisé en
trois chapitres : aqîda (dogme), fiqh (jurisprudence) et tasawwuf
(soufisme), devait d’ailleurs être mémorisé par tous les débutants… Par une
sorte d’intuition, Cheikh Ahmed Ben Miled détectait les élèves les mieux
prédisposés ; et je fus parmi ceux auxquels il avait insufflé, par ses
paroles d’encouragement et de congratulation, l’ardeur à l’étude et l’amour du
savoir ! » Sa dette envers son maître était inestimable, à telle
enseigne qu’il plaça au milieu de sa bibliothèque le portrait du Vénérable
Cheikh, dont il ne s’en était jamais séparé, en signe de considération, de
gratitude et de reconnaissance.
Mon père s’était d’ailleurs réjoui de
l’amitié qui s’était tissée entre les fils du Cheikh Ahmed et mes deux frères et
moi-même. (15) A chaque saison estivale,
quittant leur domicile de la rue El Azzafine à la Médina, les Ben Miled
venaient passer les vacances d’été à la station balnéaire du Kram. Leur
voisinage nous offrait l’occasion de les fréquenter à longueur des journées.
Appréciés par tout le monde, ils se signalaient par leur tenue irréprochable,
leur éducation exemplaire et leurs bonnes manières, ne tolérant jamais les
écarts de langage ni la vulgarité. Sans doute influencés par la forte
personnalité de leur père, leur conversation portait toujours sur des sujets
intéressants, loin de toutes futilités. Ils abordaient des questions d’actualité
politique et discutaient sur les événements qui remuaient en ce temps-là le
Moyen Orient. Ils traitaient aussi, d’une manière rationnelle et avec beaucoup
de lucidité, de questions théologiques en confrontation avec les exigences de la modernité et l’évolution des mœurs.
Ils insistaient sur le fait que trop de préjugés et d’idées préconçues, hérités
des siècles d’obscurantisme et d’ignorance, devraient aujourd’hui être combattus
et régénérés à la lumière de nouvelles interprétations et d’une nouvelle pensée.
Ils s’appliquaient à saisir l’esprit véritable de la religion qui encourage à
l’évolution et à la créativité et qui combat l’immobilisme. Nous partagions les
mêmes conceptions et les mêmes affinités et beaucoup de points communs nous
rapprochaient et nous rapprochent encore de ces amis de jeunesse et de
toujours.
Aérodrome de l’Aouina : Haj Ben Amor Tijani (Cheikh de
la Confrérie Tijaniya, invité et reçu par le Recteur Cheikh Md Tahar Ben Achour,
à l’occasion de la réussite d’étudiants algériens ayant reçu leur formation à
la Zitouna ; à g. : les Cheikhs A. Ben Miled et Jalloul Djiri.
Prédicateur
et Imam, depuis 1943, à la Mosquée al-Baçatine au Bardo, Cheikh Ahmed abordait
surtout, dans ses étincelantes prêches, des questions sociales à l’ordre du
jour. Cependant, les jeudis de chaque semaine étaient consacrés à des réunions
avec quelques habitués. Une séance matinale avait lieu au Masjid de la rue El
Azzafine, à proximité de son domicile. Etaient présents le doyen des Cheikhs
Mohamed Zaghouani, ainsi que Cheikh Arbi Annabi, Md Béchir Lasram, son
beau-frère Cheikh Ahmed Chalbi (16) et éventuellement quelques invités de
passage en Tunisie qu’il avait connus dans ses fréquents voyages à travers les
pays arabes, tels que Cheikh Naïmi (Algérie), Ennamir al-Khatib (Palestine) et
Abdelhalim Mahmoud (Doyen d’al-Azhar (1973-1978), Egypte).
Dans un
climat de quiétude et de méditation, toute cette pieuse assemblée s’appliquait
à la lecture et à l’étude du précieux ouvrage d’al-Qâdhî ‘Iyâdh,
« ach-Chifâ bi ta’rîf huqûq al-Mustafâ, » (La Guérison à travers la
connaissance des droits de l’Elu). Classique de la littérature hagiographique,
ce livre procède à une description précise et détaillée du Prophète sous
divers aspects, physiquement mais surtout dans son éthique, ses caractères
vertueux et ses comportements exemplaires. (17)
A la séance
d’après-midi, tenue cette fois au domicile du Cheikh Ahmed, se joignaient à
l’équipe matinale les Cheikhs Md Béchir Naïfar, Mohamed Lakhoua, Mustapha
Meddeb et Ezzedine Sallam.(18) C’est ainsi que, durant l’été, un spectacle
réjouissant s’offrait à nous, chaque jeudi en fin de journée, à la vision de
toutes ces personnes respectées pour leur âge et leur fière allure, vêtues de
leurs jebbas en lin immaculé et auréolées de leurs turbans, traversant
dignement les ruelles du Kram et se rendant en groupe à la villa du Cheikh Ben
Miled. Là, ils écoutaient, dans un profond recueillement, la voix de l’un d’eux
chargé de la lecture du « Jami’ as- Sahîh » d’al-Boukhârî, (grand
recueil de hadiths considéré comme le plus authentique après le Coran). Chaque
hadith était un sujet à débat, et l’on recourait solennellement aux
commentaires que certains érudits ont écrit sur cet ouvrage, notamment celui du
Hâfidh Ibn Hajar al-‘Asqallânî : « Fath al-Bâri », le plus
réputé d’entre les divers commentaires. Ce petit cercle d’intimes, formé autour
du Cheikh Ahmed, changeait de programme à la venue de Ramadan, et leurs
réunions se déroulaient durant les longues veillées de ce mois saint, à l’issue
de la prière du tarawîh.
Cheikh Ahmed Ben Miled avec le corps enseignant de l'Université zeitounienne. Au milieu : Cheikh Tahar Ben Achour
Ayant
accompli à quatre reprises le pèlerinage à la Mecque, Cheikh Ahmed s’y était
rendu une fois accompagné par sa mère. Celle-ci lui exprima son désir de rendre
visite à ses cousines maternelles qui résidaient à Istanbul et qu’elle n’avait
point revues depuis fort longtemps. Le fils, toujours aussi prévenant que
dévoué, exauça son vœu. Ces cousines ne
sont autres que les filles du fameux Cheikh Ismaïl Sfaïhi, qui joua à la fin du
XIXè et au début du XXe siècle, à côté des deux frères Ali et Mohamed Bach Hamba, de Mohamed Noomane et des Cheikhs Mekki ibn Azzouz, El Khadhir Husseïn, Salah Chérif, Mohamed Jaïbi, et Béchir Fourti un rôle
précurseur dans le mouvement de nationalisme. Il fut contraint, en 1912, de
quitter sa patrie sous la pression des autorités du Protectorat, et décéda à
Istanbul en 1918.
Durant ses
fréquentes pérégrinations à travers les pays arabes (Algérie, Maroc, Egypte,
Palestine, Liban), Cheikh Ahmed multiplia les contacts avec quelques
personnalités orientales, obtenant de certaines d’entre elles des ijazats
(licences) en fiqh ou en hadith. En 1969, il se rendit en Libye et présenta une
communication qui s’était tenue à l’Université islamique « Ahmed ibn
Ali Senoussi », dans la ville de Tripoli, sur le thème du Soufisme en tant
que pratique spirituelle et observance permanente de Dieu. Il retraça notamment
la vie et l’œuvre de l’illustre soufi, Cheikh Ahmed Zarrouq (XVe s.), connu surtout
par ses nombreux commentaires sur les « Hikam » (les Aphorismes)
d’Ibn ‘Atâ-illaâh as-Sakandarî (contenant des préceptes sensés nous guider sur
la voie de la purification du cœur).
Cheikh Ahmed se rendit également plusieurs
fois en France, et notamment en Suisse où étudiait son fils aîné Mounir (ancien
assistant du Président de la Municipalité de Tunis et expert en tourisme).
Profitant de ses longs séjours dans les capitales arabes ou européennes, Cheikh
Ahmed s’attardait à visiter les musées et les monuments, passant surtout de
longues heures dans les bibliothèques publiques à la recherche de manuscrits
célèbres et d’imprimés rarissimes. Il ramenait ainsi, à chaque retour, une
ample moisson de documents inédits qu’il prenait soin de photocopier et de
soumettre aux chercheurs ou à ses étudiants. (19)
Cheikh Ahmed Ben Miled fut le témoin
d’une époque effervescente au cours de laquelle la Tunisie, fraîchement
indépendante, allait connaître une confrontation entre deux clans antagonistes,
d’une part les Ulémas zeïtouniens, garants de la sacro-sainte tradition et
défenseurs des valeurs initiales de la religion islamique et, d’autre part,
Bourguiba, novateur et anticonformiste, tendant par des réformes à la
modification d’un certain ordre social, et qui voulait rompre avec un islam
qu’il jugeait en un certain point archaïque et rétrograde , constituant, à ses
yeux, une entrave au progrès et au développement. Tout en considérant la
stricte fidélité aux préceptes religieux comme un phénomène de pétrification et
de régression, le nouveau leader, empruntant la voie de « l’ijtihâd »,
s’engagea dans de nouvelles interprétations des croyances et des doctrines
traditionnelles qui jusque-là étaient exclusivement du ressort des fuqahâ, ce
qui provoqua, de leur part, de vives réactions, livrant, à l’encontre de ses
opinions, des fatwas condamnatoires. (20)
Cheikh Ahmed fut sans conteste, parmi
ses condisciples, l’un de ceux qui ont fait preuve de bravoure et de courage en
défendant leurs principes religieux et leurs propres convictions. Son attitude,
toujours ferme et décidée, et sa détermination à proclamer hautement et en
toute franchise ses propres opinions étaient à la mesure de l’étendue de son
savoir et de l’imperturbabilité de sa foi. Il fut l’un des derniers maillons
d’une chaîne d’ulémas qui se sont formés au sein de la Zitouna et qui nous ont
transmis le florissant héritage culturel et scientifique arabo-islamique, élaboré
à travers les siècles par d’illustres sommités. Il fut surtout l’un des partisans
du renouveau intellectuel qui ont participé efficacement au remaniement des
méthodes d’enseignement. Nombreux furent ses élèves qui occupèrent des postes éminents dans la magistrature, l'enseignement et l'administration… Inhumé au
cimetière du Djellaz, le caveau familial où il repose est situé dans le
voisinage du mausolée du célèbre Imam Mohamed
Ibn ‘Arafa, contemporain d’Ibn Khaldoun, et le plus docte, sous le règne des
Hafsides, en matière de ‘ilm al-kalâm
(théologie scolastique) et de fiqh malikite (21) ; ce dernier fut, pour notre
vénérable Cheikh, l’auteur le plus sûr auquel il se référait le plus souvent
dans ses démonstrations des problèmes juridiques.
Cheikh Ahmed Ben Miled v. 1955 (photo Kalaï)
*Je
tiens à remercier Messieurs Mounir et Brahim Ben Miled des informations utiles
qu’ils m’ont fournies pour compléter ce travail. Je me suis référé
principalement aux trois articles suivants (en arabe) : Mohieddine Azzouz,
Cheikh Ahmed Ben Miled, « Revue al-Hidaya », n° 3, Tunis 1988 ;
Béchir Chérif, Cheikh Ahmed Ben Miled, 1911-1970, « Es-Sabah », 28
janvier 1994 ; Brahim Ben Miled, « Biographie du Savant Cheikh Ahmed
Ben Miled », « Revue zeïtounienne », n° 3, 1er
trimestre, Tunis, 2015.
(1) La Arfania forma
de nombreux élèves qui allaient connaître par la suite une certaine notoriété.
Nous retenons en particulier les noms des futurs zeïtouniens : Mohamed
Chammam (auteur de la préface du « Mu’nis » d’Ibn Abî Dinâr et de la
préface du « Ithâf » d’Ibn Abi Dhiaf (t. 1) et des deux frères Hédi
Belkadhi (Mufti de la République 1970-1976) et Chedli Belkadhi (qui œuvra pour
la réforme et la modernisation de l’enseignement à la Zitouna. Il présida le
premier Congrès zeïtounien en 1937 et le troisième Congrès en 1955 et fonda en
1936 « La Revue zeïtounienne »), ainsi qu’une élite d’écrivains,
poètes et hommes de théâtre : Abderrazak Karabaka, Naceur Saddam, Mohamed
Lahbib, Ali Douagi, Mustapha Khraïef, Mahmoud Bourguiba, Ridha Lahmar… A propos de la Arfania, cf. Mahmoud Chammam et Md. Sahli, "Les Cheikhs de la Zitouna au 14ème siècle", Imprimerie moderne, Tunis 2000, pp.133-134; Mahmoud Chammam, "Les Clubs littéraires en Tunisie", Imprimerie Publici.T, sd., pp. 10-11 (en arabe).
(2) Pour la lecture
des versets coraniques, l’élocution est essentielle. Le tajwîd (psalmodie du
Coran) comporte des règles strictes qui permettent de prononcer convenablement
le texte sacré : étude des mots et des lettres, leur phonétique, les
allongements, l’arrêt et la reprise, etc.
(3) Ce programme
comprend, au cours des deux cycles, une liste copieuse de matières : quism
char’i : tafsîr (exégèse coranique), qirâ’ât (lectures coraniques), tawhîd
(monothéïsme), târîkh at-tachri’ (théorie de droit), mustalah (méthodologie du
hadîth), sîra (biographie du Prophète), usûl (méthodologie de droit), maqâcid
ach-charî’a (esprit de la charia), ijrâ’ât char’iya (procédures judiciaires)…,
ainsi que les branches de la langue arabe (quism adabî) : balâgha
(rhétorique), khatâba (éloquence), nahw (grammaire), sarf (syntaxe), naqd
ach-chi’r (critique poétique), arûdh (versification), mantiq (logique)…, mais
aussi quelques matières, se rapportant aux sciences exactes et appliquées,
considérées comme facultatives : hay’a (astronomie), handaça (géométrie),
miçâha (topographie), jabr (algèbre), sinâ’at at-ta’lîm (pédagogie et
éducation).
(4) Le Tatwî' a été créé en 1898. En 1933, en vertu de la promotion des programmes d'enseignement, il prend le nom de Tahsîl (équivalent au Baccalauréat).
(5) La Alimya est un diplôme qui a été créé à La Zitouna en 1948, équivalant aux mêmes diplômes décernés par Al-Azhar, Al-Qarawiyin et l'Université Ibn Bâdis de Constantine.
(6) A propos des
traditions vestimentaires des ulémas, cf. M’hamed Belkhodja, « Târîkh Ma’âlim
at-Tawhîd fî l-qadîmi wa l-Jedîd », Dâr al-Gharb al-islâmî, Beyrouth,
1985, Labûs ahl al ’ilm, pp.113-117; cf. Fatma Ben Becher, "Le costume masculin de Tunis, artisanat et tradition", Sagittaire Editions, Tunis 2003..
(7) Cheïkh Md Tahar
Ben Achour a consigné ses idées rénovatrices dans son fameux livre « A
Laysa as-Sobhu bi Qarîb » (L’Aube n’est-elle pas proche ?). Le
manuscrit achevé en 1906 n’a été édité que bien plus tard en 1967 par la STD. Après
avoir passé en revue l’état des sciences islamiques et les méthodes de leur
enseignement, ainsi que les différents facteurs qui ont causé, à travers
l’histoire, leur essor et leur déclin, l’auteur expose le projet nécessaire d’une
refonte des programmes d’enseignement à la Zitouna, en fonction des mutations
qui ont marqué la société islamique. A partir de 1910, Cheikh Ben Achour fit
partie des commissions chargées de la réforme de la Zitouna. Lors de son rectorat
à la Grande Mosquée (1932-1933 ; 1945-1952) et face à l’hostilité de certains conservateurs,
il mit en application son grand projet.
(8) Le manuscrit du « Ichrâf »,
déposé à la Ibdilliya (bibliothèque de la Zitouna), a été revu puis édité par
les soins du Cheikh Md Aziz Djaït, au cours de son rectorat à la Grande
Mosquée (1939-1943). Il l’avait inclus dans la liste des nouveaux ouvrages
destinés à l’enseignement et s’est chargé lui-même de l’enseigner. En 1943, il a
confié cette délicate tâche au Cheikh Ahmed Ben Miled en lui remettant son
propre livre abondamment annoté. Cf. Mohamed Bouzghiba, « L’Eminent Cheikh
Md Aziz Djaït, sa vie, ses réformes, ses œuvres », Medierranean Publisher,
Tunis Beyrouth, 2010, pp.93-95.
(9) Photo puisée
dans le livre de Md El Aziz Ben Achour, « La Mosquée Zitouna, le monument et
ses hommes », Cérès Production, Tunis 1991, p. 94.
(10) Ce nouveau code
a été élaboré sous l’égide du Ministère de la Justice avec le concours de
personnalités zeïtouniennes, notamment le Cheikh Md Aziz Djaït, deux anciens
cadhis des tribunaux charaïques : Cheikhs Fadhel Ben Achour et Hédi
Belkadhi, et Cheikh Hattab Bouchnek (professeur à la Grande Mosquée et
Conseiller auprès de la Cours de Cassation). Par leur présence et leur
participation effective, ces derniers ont exercé une certaine pression qui se
fit sentir sur la version finale du CSP.
(11) Fatwa collective ;
« L’Istiqlal » du 11 septembre 1956 ; Fatwa signée par Cheikh
Djaït ; « L’Istiqlâl », 14 septembre 1956 ; Fatwa signée
par Cheikh Md Chedli Belkadhi ; « L’Istiqlâl » du 28 septembre
1956. Cf. Yadh Ben Achour, « Politique, Religion et Droit dans le
Monde arabe », Cérès Productions, 1992, p. 218.
(12) Suite à la
réforme de l’enseignement élaborée par Mahmoud Messadi, Ministre de l’Education
(1958-1968), et concrétisée par la loi promulguée le 4 novembre 1958 prônant
l’unification et la rationalisation du système d’enseignement, la Zitouna
perdit sa vocation universitaire, ne gardant que sa fonction de lieu de culte. Les
cours ont été transférés en 1961 à la Faculté de Charia et de Théologie. Cf. M.
Messadi, L’enseignement en Tunisie, « Revue française », juillet
1964, pp. 36-41.
(13) Photo puisée dans le livre de Md El Aziz Ben
Achour, op. cit. , p. 109.
(14) Cf. le seul cours du Cheikh Ahmed Ben Miled qui
a été enregistré sur Timeline /facebook https : www.
facebook.com/alem. min.ezzaytouna/posts/358342027509895
(15) Cheikh Ahmed Ben
Miled épousa Aïcha, fille du Cheïkh Mohamed Chelbi et sœur du Cheikh Ahmed
Chelbi. Le couple a eu sept enfants dont cinq garçons : Mounir, Brahim,
Fadhel, Salim et Taïeb, et deux filles : Sarra et Balkis.
(16) Cheikh Ahmed Chelbi (1908-1992), Cheikh hanafite. Cf. Mohamed Bouzghiba, op. cit., pp. 118-119.
(17) A propos du Câdhî Iyâdh et de son livre "Ach-Chifâ", cf. Md Fadhel Ben Achour, " A'lâm al-fikr wa arkân an-Nahdha bil Maghrib al-'arabî", Markaz an-nachr al-jâmi'i, Tunis 2000, pp. 91-97.
(18) Md Ezzeddine Sallam (1926-1999) fut élève du Cheikh A. Ben Miled à la Zitouna. Spécialiste en science relative à l'héritage, auteur du livre " Nidhâm al-Irth fi al-Islâm" (Le système de l'héritage en Islam), présenté et préfacé par Fethi Labidi, Imprimerie al-'Asrya, Tunis 2007. / A propos des réunions organisées par Cheikh Ben Miled, cf. "Les cheikhs de la Zitouna au 14è siècle de l'hégire", op. cit., pp.180-181,
(19) Un ensemble de
documents qu’avait rassemblés Cheikh Ahmed Ben Miled au cours de ses recherches
est aujourd’hui en possession de sa famille. Parmi cet ensemble, on trouve une
correspondance envoyée de la Mecque par le Cheikh Moyeddine ibn ‘Arabî, soufi
andalou du XIe-XIIe s., surnommé ach-Cheikh al-Akbar (le plus grand des maîtres
spirituels) et adressée à « son ami » Cheikh Abdellaziz al-Mahdaoui
(dont le sanctuaire se trouve à La Marsa au cimetière qui porte son nom). Dans
cette correspondance, Ibn ‘Arabî met en garde son ami contre les tentations des
richesses matérielles de ce bas monde dont certains, loin d’être comme ils le
prétendent d’irréprochables saints et de véritables soufis, s’y laissent
séduire et perdent ainsi tout attachement à Dieu.
(20) Cf. Amel Moussa, “Bourguiba et la question
religieuse”, Cérès Productions, Tunis, 1911 (en arabe).
(21) Cf. Md Fadhel Ben Achour, "Arkân", op. cit., pp. 99-105.
NB. La bibliothèque du Cheikh Ahmed Ben Miled a été offerte à
un institut nouvellement créé, dépendant de l’Université de la Zitouna, à
savoir l’Institut du Coran chargé de former les imams prédicateurs à Kairouan,
où une salle lui a été dédiée. Le lien entre la ville sainte de Kairouan et
Cheikh Ahmed Ben Miled semble indéfectible, même après sa mort.
(عجبت
من السيد عبد الرؤوف الدهماني الذي ألف نصا عن حياة الشيخ أحمد ابن ميلاد نشره يوم 13 ماي 2020 عبر التواصل الاجتماعي facebook ثم أعاد
نشره من جديد في جريدة الشروق يوم 18 ماي, فقد اقتصر على ترجمة المقالة التي كنت
نشرتها باللغة الفرنسية عن الشيخ أحمد ابن ميلاد بمجلة Réalités 23
déc 2009
و الموجودة باكملها في مدونيmon blogger , و أجاز لنفسه أن يترجمها ترجمة حرفية مع نقل بعض الصور التي احتوت
عليها مقالتي, و لم يذكر اسمي و لم يصرح به
بل اكتفى بتوقيع اسمه هو و هذا كما نعلم يعتبر تدليسا و اعتداء على حقوق
التأليف و استغلالا للعمل الأصلي دون استشارة صاحبه و يعد جريمة يعاقب عليها قضائيا,
و مما يبرر ما أقول ان النص المذكور خال تماما من الهوامش و جميع المعلومات
التي تضمنها غير مدعمة بالإحالات على المراجع, و بذلك فإنه نص غير موثق و لا
يستجيب لقواعد البحث العلمي الأكديمي).