lundi 12 juin 2017

Iconographie symbolique



Iconographie symbolique des sous verre et approche plastique contemporaine, in « Patrimoine et Création, Arts plastiques tunisiens contemporains », Beit Al-Hikma, Edilis, juin 1992, pp. 29-48.


(Cet article, paru dans l'ouvrage collectif sus indiqué, s'insère dans les travaux de recherches menés par les membres du groupe "Esthétique et Sciences de l'Art" à Beït al-Hikma au cours des années 1988-90, sur le thème de la création artistique et du patrimoine dans la Tunisie contemporaine. 



En vue d'une approche pluridimensionnelle, participaient à cette rencontre créateurs, intellectuels et critiques d'art tunisiens et étrangers. Le débat s'est effectué autour de trois axes :
            -démarches, matériaux, modes de faire et support de sens
            -patrimoine et problèmes de référence
            -ambiguïté et statut opératoire dans les pratiques créatrices.



A travers mon analyse, je m'appuie sur des œuvres d'art que j'avais pris soin de réunir à la Galerie Espace Aïn, faisant l'objet d'une exposition intitulée "Fixés sous verre d'antan et d'aujourd'hui" (20 février-20 mars 1988). Cette exposition animée par un débat lançait la réflexion autour du rapport complexe et souvent ambigu de la création en arts plastiques lorsque celle-ci est pensée à travers des catégories du patrimoine. Elle groupait quelques artistes qui se sont affirmés en faisant consciemment un retour en arrière, incorporant dans leur savoir-faire l'art des fixés sous verre. La représentation du patrimoine se définit chez eux à travers une récupération des modèles anciens dans une pratique résolument moderne). Ces artistes entretiennent avec le patrimoine une relation particulière qui ne vise pas à retrouver cet héritage ou encore à le transposer, mais plutôt à l'interroger pour le dépasser. La filiation qui les définit conduit à sauver l'aura de ce patrimoine ou mieux encore sa coloration et non à le réhabiliter au sens précis du terme, car tout retour,dans ce sens, s'avère négatif.)




            Au moment où nos jeunes plasticiens tunisiens prennent conscience de ce qui constitue leur héritage commun, un début de recherches et de réflexion systématique est entrepris corrélativement par certains groupes d’intellectuels sur cet immense héritage. (1) Artistes et penseurs découvrent, à travers leur patrimoine national constitué par les pratiques, croyances, savoir-faire, gestes et intentions, les fondements d’une identité collective. Ils répondent au désir impérieux de sauvegarde des biens culturels, matériels et symboliques, reliefs d’une culture riche et précaire.
Parmi ces langages en perdition, la peinture sous verre nous révèle aujourd’hui toute sa richesse. Des collectionneurs dont le peintre Ali Bellagha, ont su très tôt y découvrir des qualités plastiques, nous préservant un art très vite oublié qui nous étonne aujourd’hui par sa fécondité et son éclat. Ces collections, dont une partie conservée au Centre des Arts et Traditions populaires de Tunis et au Musée de Dar Djellouli à Sfax, ont servi de matière première pour la réalisation d’un ouvrage à travers lequel l’auteur, Mohamed Masmoudi, nous fait découvrir l’art des fixés, restituant ainsi à la communauté toute entière des productions vivantes de la créativité populaire, et mettant à la disposition des artistes les moyens d’assurer la pérennité d’un patrimoine qui est d’abord le leur. A la fin de son livre, Masmoudi propose comme modèle idéal l’art de la peinture sous verre, pouvant répondre aux aspirations des peintres tunisiens en mal d’authenticité : « Puisse son message être entendu, écrit-il, par ceux qui veulent échapper au tyrannique modèle d’une peinture venue d’un monde qui n’est pas tout à fait le leur. Ils trouveront peut-être ce langage qui, au-delà de la forme, sait parler à nos esprits et nos cœurs. » (2)
Fondamentalement imprégné par la vie populaire en communauté, par ses rites, ses superstitions, ses symboles magiques ou apotropaïques, il s’agit d’un art collectif et anonyme, soumis à des conventions imposées par la tradition. Des compositions calligraphiques,  géométriques ou florales, des scènes inspirées de la conquête arabe et de la geste hilalienne, des scènes apologétiques de saints et de marabouts, des portraits de héros légendaires en pleine action…ces images sont traduites dans un langage nourri de symboles qui l’animent et lui confèrent une certaine valeur.
Ainsi, tout un répertoire iconique s’offre à nos yeux, constituant l’alphabet de ce langage mystérieux : les signes symboliques sont autant de regards animés, de mains pleines de trésors ; l’important est de savoir qu’ils sont en nous et autour de nous. Ils attendent patiemment d’être reconnus, ressuscités par nos artistes qui, en les inculquant dans leur pratique, pourraient les enrichir de formes nouvelles et de sens nouveaux. Soucieux de retrouver la virginale fraîcheur des aurores premières, le reflet direct de l’âme et de la sensibilité populaire, la pureté originale d’un archaïsme qui s’effrite, l’artiste tunisien est devenu avide de traditions, de magie et de faits légendaires qu’il n’est plus étonnant de le voir enfin ériger en langage plastique, cette lancinante nostalgie de son être profond. Cette prise de conscience est due à l’évolution de la technique picturale qui a permis ou toléré une nouvelle considération de l’art, que refusait jusqu’alors la peinture académique et conventionnelle de l’Ecole de Tunis. Car si la première génération de peintres tunisiens s’est limitée à des œuvres qui, aujourd’hui ne véhiculent plus que des anecdotes, les créations plus récentes de jeunes artistes s’accompagnent d’un détournement de sens des données plastiques. Leur attitude prouve qu’il était nécessaire de faire éclater la définition d’une peinture limitée à la représentation folklorique de scènes populaires, en ne rendant compte que de la vision libre et souveraine de l’individu. Cette nouvelle orientation a favorisé l’apparition d’une peinture moins contraignante, répondant mieux à une certaine liberté d’exécution et de recherches formelles. A ce courant appartiennent des artistes qui avouent pleinement se rattacher à cette tendance qui pose comme modèle d’inspiration le patrimoine. La peinture sous verre leur offre un réservoir de styles, de techniques, de couleurs et de formes dans lesquels ils peuvent puiser à pleines mains, car il n’est pas vain de vouloir souligner l’ampleur du rôle que cette forme d’art peut jouer dans le renouvellement de l’imaginaire collectif.
Toujours est-il que le nombre d’artistes qui investissent dans le sous verre demeure fort restreint. En plus, ces derniers changent d’un moment à l’autre de formule, se rapprochant ou se détachant plus ou moins des limites de cet art. L’exemple de A. Megdiche est significatif : à la suite de sa série de tableaux et dessins inspirés du thème traditionnel des « Hilalyyat » (3), le peintre glisse vers une peinture surréaliste dans laquelle il garde, par des lignes découpant l’immobilité de ses natures mortes sur fond bleu, le sens d’une composition rigoureuse. Chez lui, la voyance résulte de la rencontre imprévue d’éléments (panneau accroché à un mur, pomme suspendue à un fil…) qui, fruits de l’observation, sont placés volontairement dans une position d’étrangeté qui fait naître chez le spectateur une sourde inquiétude… Il est de nature que l’artiste-créateur, pour échapper à l’asphyxie de la redite et de la banalité, se remette perpétuellement en question.
Faute de théorie, toute stratégie tendant à conserver et mettre en valeur le patrimoine artistique est vouée à la paralysie. Il n’y a, pour échapper au paradoxe, qu’une seule issue : soumettre à une nouvelle élaboration les concepts traditionnels de l’art, pour les réintroduire dans la pratique artistique actuelle. Au moment où l’aspiration à la bouffée d’air pur, au retour aux sources et une certaine nostalgie de l’art populaire prennent un intérêt grandissant, il est impérieux d’attirer l’attention des artistes tunisiens sur les formes de la peinture sous verre, reflet de modes de vie immémoriaux, et qu’une indéniable originalité révèle maintenant comme un art authentique. Cet intérêt pour la peinture populaire ne peut être efficient qu’à condition que soit réalisée une synthèse entre les formes traditionnelles de l’art et le dynamisme inhérent à l’art moderne.

1.      Images et symboles :
Il serait absurde de croire à l’inexistence d’une structure imagée à travers l’histoire tunisienne. Les mosaïques déposées au musée du Bardo en sont un témoignage évident. Mais il est à remarquer que celles-ci ont été des productions étroitement liées à la province romaine, puis à l’introduction d’un courant byzantinisant très fort, qui, ensuite, n’a pas eu de lendemain.
De même, les fragments de fresques de Sabra (Xe s.), exposés au Bardo, représentant des cavaliers au combat, ne peuvent avec d’autres exemples cependant rares, témoigner de la présence d’une tradition iconographique proprement tunisienne à travers les siècles.
Si nous assistons avec la peinture sous verre à une expression populaire riche en éléments iconographiques, les pictographies et les représentations imagées puisées dans un fond légendaire, hagiographique et religieux, n’ont pas été transmises par le fait d’un héritage local. Elles résultent, comme on le sait, d’un apport relativement récent qui s’est introduit en Tunisie, vers le début du XIXe siècle (4), par le biais d’artisans turcs ou italiens (5). Au même moment, toujours sous l’influence méditerranéenne, se répand dans les lieux publics (cafés, hammams, boutiques, salons de coiffure) une peinture figurative murale où dominent des thèmes décoratifs et des représentations de personnages et d‘animaux. Images plates, naïves, libres de codes, prouvant néanmoins l’introduction d’un art représentatif dans les villes.
L’absence, à l’origine, d’une pratique de l’art de la miniature en Tunisie, nous fait constater, par ailleurs, que les formes de la peinture sous verre se trouvent dans ce pays détachées vis-à-vis des caractéristiques de la miniature arabo-islamique que celles, par exemple, de Turquie ou d’Iran (6).
Nonobstant, on peut affirmer que la peinture sous verre, en dépit d’une certaine figuration, ne peut constituer en elle-même une antinomie par rapport aux vieux modes artistiques proscrivant la représentation de figures « animées » : la calligraphie, l’arabesque, les contrastes de couleurs et leur variation, le traitement de la lumière dans les vitraux, l’opposition des pleins et des vides et du clair-obscur dans les décorations de stuc, toutes ces formes appartenant à l’héritage artistique tunisien sont autant d’exemples qui prouvent l’omniprésence d’un fort courant iconoclaste. Institué par une orthodoxie malékite rigoureuse, l’iconoclasme est venu se greffer sur une tradition plastique préexistante, essentiellement abstraite, restée le plus souvent imperméable aux courants phéniciens et hellénistiques avec lesquels elle fut en contact.
Ces formes traditionnelles dont les jeux plastiques ne s’arrêtent pas uniquement au plaisir purement esthétique qu’elles procurent, renvoient à une conscience religieuse et à des conceptions théocratiques de l’univers. Elles visent plus à l’expression spirituelle qu’à la beauté. Cette définition s’applique aussi à la peinture sous verre dans laquelle on va retrouver le principe de l’invraisemblance cher à l’esthétique arabo-musulmane : absence de perspective et de formes modelées, graphisme prononcé et couleurs arbitraires vont constituer les règles d’un art où se reflète un monde entièrement imaginaire et conceptuel. Les êtres humains trouvent naturellement leur place au sein d’une composition florale ou calligraphique. Plutôt que de portraits, il s’agirait de personnages types débarrassés de toute imitation plausible du réel. Les figures n’ont pas ici d’efficacité ou de valeur en soi, elles revêtent un sens évocateur, mystique ou mythique, beaucoup plus qu’elles ne renferment une signification matérielle.
L’image des sous-verres consiste ainsi en une reconstitution d’un monde fictif et onirique et en une représentation symbolique du signifiant. Elle se présente avant tout à l’intérieur d’une pensée ordonnée à l’égard des valeurs spirituelles se mouvant dans un climat profondément religieux. Cette prépondérance de la religion dans la société traditionnelle se réfléchit aussi bien dans les compositions à sujets mystiques ou mémoriels, que légendaires ou patriotiques. Quelles soient religieuses ou profanes, elles demeurent tout autant entachées de spiritualisme. (7)
Tout comme les images déclenchées par le discours, l’image des sous-verres reste la propriété de richesses variables de l’imagination. Relayant la littérature que les «fdâwî(s)» diffusent sur les places publiques, elle répond aussi aux besoins de la mémoire sociale, se rapprochant de ce fait beaucoup plus du langage discursif et conservant à l’individu le bénéfice de l’effort d’interprétation qu’elle exige.
Les «ustûra(s)» ou légendes tirées de récits épiques, érotiques ou propres à l’histoire religieuse gardent à la pensée un certain niveau de symbolisme. Elles supposent la référence à une durée mythique et non à un temps historique. La peinture sous verre réalise cette lecture immédiate de ses réalisations par le groupe, parce qu’elle concrétise au niveau le plus profond, à travers une symbolique de formes qui tire son authenticité d’un enracinement immémorial, un temps et un espace idéals et permanents que le corps social reconnaît comme une sublimation de son temps et son espace réels.
L’art populaire combine deux données fondamentales : les associations symboliques particulières au groupe social et les images archétypales communes à tous les groupes humains. G. G. Jung appelle « archétype » les exemples les plus marquants des schèmes affectifs et fonctionnels que constitue le symbole. Les images archétypales sont, selon le psychologue suisse, les pensées les plus reculées et les plus profondes héritées de l’inconscient collectif de toute l’humanité (8). Le mythe du Héros Pacificateur est commun à tous les groupes : il symbolise l’élan évolutif, la situation conflictuelle de la psyché humaine, par le combat contre les monstres du pervertissement. Aussi sera-t-il paré des attributs du soleil, dont la lumière et la chaleur triomphent des ténèbres. Ce mythe, arbitrant le duel de deux archétypes fondamentaux :  l’Ombre et la Lumière, chaque groupe l’interprète à sa manière. La lutte entre l’Ombre, c’est-à-dire les dispositions que l’être social conscient rejette ou à qui il n’a pas laissé la possibilité de se développer à l’état conscient, et la Lumière, c’est-à-dire l’avènement de la loi sociale, est parfaitement exprimée dans les fixés par les multiples variantes réunies autour du thème du Héros contre le monstre, rappelant plus d’un trait celui de « Saint Georges terrassant le dragon ». (Voir : "Guerrier à cheval, Héros terrassant le dragon » (9), « Héros terrassant le dragon » (10), « Le roi Muhammad Sayfuddin ‘Arnus contre le monstre » (11), « Sayydna Khalid à cheval terrassant le dragon » (12) et particulièrement , le « Combat de Sayydna ‘Ali et Ras al-Ghûl »).
Plusieurs fixés montrent Ali en tenue de cavalier tranchant le corps de Ras al-Ghûl à l’aide de son célèbre sabre bifide dhûl-faqâr (13). Ras al-ghûl, prince yéménite, mi-homme mi-bête, représente, au niveau de l’inconscient, la mouvance, l’incertitude et les fantasmes : l’état de nature. Sayydna ‘Ali est le héros civilisateur. Il porte avec lui le message de l’ordre nouveau (Islam), donc la cohérence, l’organisation et la loi sociale : l’état de culture. En cela, sa présence et plus encore sa victoire sont sécurisantes et dynamisantes pour le groupe (14).
Le sabre dhûl-faqâr, dérivant du mot faqâr qui veut dire thaqb (incision, entaille), donc le sabre fraisé, incisé, entaillé, est symbole de vertu, de bravoure et de justice ; il évoque la personne de ‘Ali ibn abî-Tâlib, gendre du Prophète (15). Les deux pointes aiguës du sabre désignent à la fois l’héroïsme guerrier et l’éloquence, la parole. (‘Ali était homme de guerre et homme de lettres). Dans les pictographies, la dernière lettre du nom de ‘Ali prend souvent la forme d’une épée à double lame, symbole d’identification.
De même que dhûl-faqâr évoque la personne de ‘Ali, les sandales désignent la personne du Prophète et une partie de lui-même. Dans les fixés, elles figurent très souvent entourées d’inscriptions coraniques ou de vers de poésie (16). Dans l’un de ces poèmes panégyriques, il est dit :
« O toi qui regardes « l’effigie » (18) des Sandales de ton Prophète,
 Embrasse cette effigie sans aucun orgueil,
 Et recueille-toi devant elle, car combien se replièrent sur elle
Les pieds du Prophète dans leurs allées et retours.


  



Peinture sur papier représentant les sandales du Prophète (Tunis, début xxè s.)



            Honoré comme un des enseignes du jihad (guerre sainte), dhûl-faqâr se convertit en symbole prophylactique : grâce à lui, ‘Ali, muhârib al-jinn, (assimilé par l’imagination populaire au lutteur contre les diables), a pu sauver le peuple des maléfices du prince des démons Ras al-Ghûl. Par conséquent, figurer Sayydna ‘Ali simplement accroupi à côté de ses fils al-Hassan et al-Hussayn et muni de son épée fourchue, a autant d’effet bénéfique que sa figuration en pleine action de combat. L’épée, qui ne quitte guère le vaillant soldat d’Allah, renvoie à l’idéal de lutte que symbolisent aussi ses enfants martyrs, al-Hassan, soumis au joug des Omeyyades et al-Hussayn, tué à la bataille de Karbala (17).





Ali, al-Hassan et al-Husseyn, fin XIXe- début XIXe, coll. Moncef Msekni


Dans un fixé, on peut voir un chameau transportant le cercueil du Calife ‘Ali, suivi par ses deux fils. L’épée à double lame est posée près du cercueil, recouvert d’un étendard vert. De même al-Hassan et al-Hussayn portent des burnous verts, la couleur verte étant signe de sainteté et de dévotion (18).
           
            L’emblème du héros, c’est-à-dire son épée, suffit parfois à lui seul à évoquer la valeur bénéfique de tout le thème. Sur une amulette d’un grand pouvoir magique, connue sous le nom d’  «amulette de Marjana », au milieu d’inscriptions cabalistiques, on se contente de figurer l’épée bifide dont la simple représentation se charge d’une valeur sécurisante et protectrice (19).





Talisman dit de « la laveuse Morjana » comportant des inscriptions et des signes consacrés censés protéger contre des maladies incurables et contre le mauvais œil et censé amener le bonheur, la fortune et l’amour tout en réconciliant les cœurs …    



Un autre thème, rencontré fréquemment dans la peinture sous verre, est celui du burâq, monture ailée, à l’allure noble et à la figure pure, servant au Prophète lors de son isrâ (voyage nocturne à Jérusalem) et son mi’râj (lorsque l’ange Gabriel ravit l’apôtre de Dieu aux cieux).




                                                                          "Bourâq survolant la ville de Jérusalem"


            La mentalité populaire a seulement retenu, de tous les prodiges de l’isrâ et du mi’râj, l’image du burâq comme symbole d’ascension. Le burâq, n’étant pas signlé dans le Coran, sa description est mentionnée dans quelques hadith(s) (propos tenus par le Prophète), dont l’un rapporté par Anas et cité dans El-Boukhari et Muslim. Dans ce hadith, le burâq est défini comme une créature d’une taille intermédiaire entre un mulet et un âne, de couleur blanche, aussi rapide que l’éclair (barq), d’où la dérivation de son nom. Pour les Sufis et les Mu’tazilites, l’ascension a été le symbole de la montée de l’âme, échappant aux liens du monde sensible. Chez les Sunnites, le ravissement aux cieux a été effectué corps et âme. C’est de cette croyance que naquit dans l’imagerie populaire la représentation du burâq.
Dans l’un des fixés, le peintre semble avoir pour unique souci de transmettre la puissance magique du burâq (20). La bête miraculeuse est flanquée de deux ailes, ayant une figure de femme couronnée de longs cheveux noirs et un corps de couleur rouge, sur lequel est placée une selle ornementée. Le burâq se trouve inséré dans un espace animé par un foisonnement de décor floral. La présence des fleurs manifeste ici l’extrême diversité de l’univers, la profusion et la noblesse des dons divins. « Il a vu, annonce le Coran, les plus grandes merveilles de son Seigneur » (LIII, 18). Les oiseaux et les fleurs figurent très souvent dans les décors arabo-islamiques. Associés à l’image du paradis, ils sont signes de perfection, de splendeur et de création divine. Les fleurs expriment, chez les mystiques musulmans, des phases particulières dans les relations entre l’homme et Dieu ; la fleur est une mesure de ces relations. Jalal-ud-Din Rûmi, partisan de la confrérie des Mawlawyya (21), dans son recueil « al-Mathnawi » (22), voit dans la beauté des fleurs un signe qui rappelle à l’âme des souvenirs de l’éternité. L’âme dans son ascension, affirme-t-il, a traversé tous les degrés de l’existence : elle a su elle-même ce que c’est que d’être une plante. Le grand mystique arabe al-Junayd (23) écrivait pour sa part : « Les âmes de ceux qui ont connu Dieu demandent aux prairies verdoyantes, aux belles perspectives, à la fraîcheur des jardins verts, à toutes les beautés de la nature, bref aux œuvres admirables de Dieu, une consolation lorsque l’auteur s’est dérobé. » (24)
Le décor floral est comparable, dans cette image, à un labyrinthe où le regard se perd dans les méandres de l’infini. Son tracé complexe doit permettre l’accès au monde métaphysique par une sorte de voyage initiatique. La surcharge du décor détourne le regard d’un monde matériel pour le conduire vers une sorte de prière intérieure ; elle annonce la présence de quelque chose de précieux et de sacré.
Dans une peinture sous-verre, qui se présente comme un mélange d’arabesques et de calligraphies, la sourate du « Culte pur » est inscrite en lettres dorées dans une forme circulaire à fond uni rouge. Le cercle est enveloppé par une couronne de fleurs or sur fond marin et un large croissant orné de vers de poème, accentuant le mouvement centrifuge et conférant au tableau un effet d’optique circulaire et continu qui semble refléter l’éternel divin de la sourate du « Culte pur » (25). Dans la tradition islamique (en particulier chez Ghazali), la forme circulaire est considérée comme la plus parfaite de toutes. Rassemblé sur lui-même, sans commencement ni fin, accompli, parfait, le cercle est le signe de l’absolu (26). Comparé à la roue solaire, source de lumière, il renvoie à la plénitude. La danse circulaire des derviches mawlawi est inspirée par la ronde des planètes autour du soleil, symbolisant la quête de Dieu.
Dans l’un des fixés, un sceau de Salomon comprenant une étoile de onze branches, est chargé de formules propitiatoires (27). L’image de la roue, sous l’apparence d’une étoile ou d’une fleur est symbole de l’émanation divine sur les créations. Les rosaces à plusieurs pétales et à plusieurs branches sont d’ailleurs très fréquentes comme motif de décoration et d’architecture.
Le lion et l’aigle sont parmi les figures allégoriques les plus employées dans l’art musulman. Le lion, roi des animaux, est symbole de force et de souveraineté. ‘Ali, magnifié par les shi’ites est le « lion d’Allah », car la force du lion fait entendre l’autorité. Dans l’imagination populaire tunisienne, la force invincible du Saint Patron Sidi ‘Abd-al-Qâdir al-Jilâni, maîtrise et vainc la force du lion. De la puissance animale brute, le lion se fait puissance déployée, disponible. Dans une peinture sous-verre, le geste du bras de Sidi ‘Abd al-Qâdir, d’où pend un chapelet (symbole divin qui confère toute puissance à son porteur), est de force égale à celle du lion. Par le seul pouvoir magique du Saint, l’animal passe de la fureur à la soumission (28).  Nous retrouvons ce sens de la sujétion du lion pour les hommes pieux et dévots, dans deux vers tirés de la célèbre qacîda « al-Burda », panégyrique du Prophète, œuvre du poète al-Bussiri (XIIIe s.), que le Bey de la Régence de Tunis, Hammouda Pacha, prit soin de graver, à la fin du XVIIIe siècle, sur son sceau :
« Celui qui a recours à l’Envoyé de Dieu
Si jamais les lions le rencontrent, ils seront frappés de stupeur dans leur repaire » (29).
L’aigle, oiseau souverain, est l’équivalent au ciel du lion sur terre. Il évoque le sublime et la majesté et joue un rôle de protection contre les esprits maléfiques. Aigles et oiseaux fabuleux sont utilisés, dans certaines peintures, avec la valeur symbolique. Dans celle représentant ‘Ali et Râs al-Ghûl, la figuration d’un animal mi-serpent mi-oiseau fascine et épouvante les esprits du mal ; sa représentation a, sans doute aussi, un effet bénéfique et protecteur. Dans d’autres fixés, des aigles et des oiseaux fantastiques accompagnent ‘Abd-Allah ibn Ja’far et Lalla Amina, fille du grand roi de Ma’allaga, dans leur fuite pour aller rejoindre le camp musulman (30).




                                                                   "La fuite de Abd-Allah ibn Ja'far et la fille du roi"






 

   
                                                                             "Dhieb ibn Ghanem contre al-Moezz ibn Badis", (75,5x45,5)



            La main ou « Khumsa », dont on note déjà l’existence sur certaines stèles puniques, est en l’occurrence un symbole prophylactique très connu dans l’art populaire, en vertu de son pouvoir immunisant. La particularité que nous offrent certaines peintures sous-verre est le fait que l’on représente généralement une main à l’intérieur de laquelle figure un œil. Il est évident que l’association des deux symboles renforce le charme protecteur. Dans l'un des fixés, un poisson, autre symbole prophylactique, semble se diriger vers un œil placé à l’intérieur de la paume d’une main stylisée, comme pour lui faire échec. La main symbolise ici la puissance divine destinée à neutraliser l’œil. Une formule évoquant la victoire sur le mauvais œil par la volonté d’Allah, accentue l’efficacité magique du décor (31). La « main de Fatma », parfois comparée à l’œil, est une interprétation que la psychanalyse a retenue, en considérant que la main apparaissant dans les rêves est l’équivalent de l’œil.
La représentation de l’œil recèle une croyance ancienne attribuée au mauvais œil. Cette croyance est justifiée et renforcée par la sourate de « l’Aube du jour » : « Je cherche asile auprès de Dieu (…) Contre le malheur de l’envieux qui nous envie (CXIII) et aussi par certains hadidh (s) (32). L’exemple de Sidi Barrak aj-jmal, marabout enterré au quartier de Bab al-Khadra de Tunis, qui a réussi, dit-on, par son regard fascinant à faire s’accroupir des chameaux qui passaient devant lui, nous donne une idée sur la croyance populaire profonde en la puissance magique de l’œil.
La peinture sous-verre est restée, dans une large mesure, fidèle à la tradition de l’art arabo-islamique. Les arabesques, les calligraphies, les entrelacs, les thèmes religieux et mystiques nous le montrent clairement. Cependant, les motifs et signes plastiques qui étaient à l’origine signifiants de l’esprit qui les a créées, sont devenus des poncifs avec lesquels la société traditionnelle entretenait une relation affective et magique. En l’absence d’une forte idéologie qui soutenait l’art, ce dernier s’était réfugié dans les formes populaires et s’était concrétisé dans les produits artisanaux.



                               

                               L’arche de Noé, 39 x 50, fin XIXe – début XXe, col. Moncef Msekni.


2.      Vers une nouvelle représentation plastique :

Lorsque la dimension rituelle a commencé à se perdre, le milieu tunisien admit d’autres structures de connaissance ; il s’est mis à porter attention à de nouvelles séries d’action et à des concepts nouvellement importés et acquis. Une évolution progressive, au niveau du conscient collectif a permis, à un moment donné, un changement dans le système de représentation et l’assimilation d’un langage visuel nouveau, se fondant sur la description du monde matériel et sensible.
Avec l’avènement de la peinture à l’huile et de chevalet, il y a eu appauvrissement dans la disparition des variantes symboliques et imaginatives que l’on retrouve dans les fixés. La valeur de la peinture « réaliste », celle de Yahia Turki et des pionniers tunisiens, soucieuse de reproduire la nature et de rapporter fidèlement la scène ou le modèle, se fixe surtout par rapport à sa signification et sa lecture directe. L’image s’attache à l’environnement physique au lieu de prendre la forme d’une écriture de l’invisible et du sacré.
Aujourd’hui, la tradition retrouve tout naturellement sa vraie dimension, ce qui ne signifie évidemment pas le rétablissement d’une culture traditionnelle et conformiste comme expression des besoins de la société, ce fait n’est en réalité que contingent ; ce qui est permanent, ce sont les principes qui l’animent et qui restent valables à travers les siècles.
Le jaillissement peut surgir de notre fond commun, mais à condition qu’il soit repensé et reformulé à travers une vision moderne. Le patrimoine est une dimension de la conscience de l’artiste tunisien, comme la modernité en est une autre. A lui de trouver le rapport harmonique de cette relation.
C’est avec délectation que l’œil averti découvre, dans son enquête sur le passé plastique, une expression populaire ingénue, la peinture sous-verre, retrouvant à travers une infinie ressource de styles, de formes et de couleurs, la fraîcheur première. Nos maîtres artisans ont su exploiter originalement cet art. Nous leur reconnaissons un fameux mérite : celui d’avoir réussi à narrer l’histoire éthique et culturelle de la Tunisie d’une manière aussi féconde. Aujourd’hui, faute de valeurs suffisamment représentatives, nous trouvons dans leurs expériences une matière nourrissante et enrichissante.
Il ne faut point oublier, toutefois, que ce langage, essentiellement décoratif et d’une naïve poésie, a ses propres limites. Il se caractérise souvent par une absence de rigueur dans l’exécution et une tendance à la facilité allant parfois jusqu’à l’insuffisance et la médiocrité. Danger qui s’est révélé désastreuse réalité le jour où, ayant désappris le métier d’art, certains de nos praticiens en sont arrivés à se contenter d’un prétendu art populaire fabriqué artificiellement à leur usage. Qu’est-ce qu’après tout que les peintures coloriées du réalisme folklorique, sinon les dérisoires succédanés de l’art populaire ?
 Le pittoresque folklorique s’est abâtardi. Que reste-t-il, sinon l’art des artistes ? Et c’est là où l’on peut suivre la genèse d’un mouvement qui trouve son aboutissement dans la création de formes nouvelles conjurées à un fond commun. Autant que dans un donné traditionnel, l’homme cherche en lui-même sa vérité, et il l’exprime aussi directement et aussi fortement qu’il le peut.
Les qualités plastiques que l’on peut déceler aujourd’hui dans la peinture sous-verre, relèvent directement de notre nouvelle perception, liée étroitement aux critères esthétiques que nous impose l’évolution de l’art moderne. La lecture d’une œuvre se fait d’abord dans une appréciation formelle pure. Dans l’un des fixés représentant un « Cavalier triomphant » (33), la profondeur est sentie par une perspective chromatique : le cheval peint en noir se détache sur un ciel bleu pâle. De la sorte est réalisée l’illusion d’une certaine distance qui sépare le cheval du fond, comme distribués sur deux plans. De même, le costume du cavalier, le harnachement de la monture et le décor floral sont peints de rouge et de jaune d’or ; ces couleurs étant senties comme proches. C’est également la pratique des artistes contemporains qui expriment la distance par les couleurs mêmes. Ils touchent au rouge, ou à une couleur dérivée, les parties du tableau qu’ils veulent faire apparaître comme plus proches que les autres. Il est facile d’observer ce même procédé dans les œuvres de Cézanne, le père de la peinture moderne, et notamment dans celles de Matisse. (35)
Si elle témoigne de nos jours d’une profonde affinité avec les conceptions plastiques contemporaines, la peinture sous-verre reste toutefois tributaire d’une pratique empirique, ne reposant aucunement sur un système plastique élaboré. Les couleurs à caractère autonome qu’on y décèle, participent à l’animation purement intuitive de l’espace. Leur autonomie n’est nullement comparable, par exemple, à l’œuvre d’art « abstraite » telle qu’elle a été conçue en Occident.
L’image nous impose ici une lecture logique et conceptuelle, à défaut de laquelle nous manquerons à l’intention de l’artisan. Les caractéristiques iconographiques, la bidimentionnalité formelle et chromatique sont liées à une vision transcendantale et à une signification purement symbolique du signifiant.
L’organisation de l’espace nous offre une composition le plus souvent anarchique, où les éléments constitutifs de l’image sont disposés arbitrairement. Le fixé de la « ‘Issawyya » par exemple, nous offre une perspective verticale qui donne une vue en escalier. On y voit des lions se promener dans un espace céleste ou des fleurs parsemées ça-et-là sans aucun lien avec la description topographique de la scène.
Dans le fixé montrant le Saint patron Sidi Abd-al-Qadir aj-Jilani entrain de dompter un lion (36), la représentation de ce personnage ne vise ni une caractéristique individuelle ni une particularité physique. Le peintre semble ainsi traduire un monde accessible par l’idée, excluant l’apparence de toute nature ; règle d’ailleurs à laquelle se plie la couleur. Dans une gamme économe, s’aplatissant rigoureusement, la couleur varie entre le bleu, le rouge, le jaune et le vert, couleurs qu’il serait difficile d‘écarter de tout sujet religieux. L’immobilité et la position statique du Saint et des figures qui l’entourent ajoutent au caractère symbolique et hiératique de l’image. Elle donne à chaque élément une vertu et un poids indéniables. L’arbre, n’étant pas seulement un arbre, mais l’essence même de l’arbre, les fruits rouges bleus et jaunes symbolisent aussi sans doute le concept de fruit. La signification symbolique s’impose indubitablement au lecteur de cette œuvre.
Les calligraphies, pictographies et images sous-verre revêtent une double fonction : celle décorative, mais plus important est le contenu sémantique. En effet, combien même la qualité plastique de la calligraphie, sa fonction décorative sont certaines, elle ne sera jamais détachée cependant de sa signification originaire. Le message divin quelle véhicule donne toute dimension à sa beauté. C’est là une vision propre à la culture musulmane qui ne peut voir dans la calligraphie une expression abstraite. Elle le sera, par contre, à partir du moment où une approche uniquement formelle sera tentée. On s’attache alors à la mouvance de la ligne en tant qu’élément géométrique, mais on ne pénètre point son fond, son monde véritable, son âme profonde.
Au-delà de cet univers où le sentiment religieux domine, l’artisan nous illustre, aidé par la transparence et la luminosité du verre, un monde de fabulation et de croyances, où il donne libre cours à son imagination, recourant à des contraintes et lois dictées en partie par le matériau, mais aussi par un support culturel fécond à travers lequel il exprime ses aspirations, de même que celles du groupe dans lequel il vit. Toute la signifiance de l’image va reposer ici sur son message, les formes et couleurs revêtant essentiellement la valeur de symboles.
Quelques rares expériences personnalisées prouvent que certains créateurs commencent à se pencher sur l’art populaire. Reprenant en charge les formes des fixés sur verre, ils inventent des rapports nouveaux qui donnent à leur création un caractère d’innovation en même temps que de fidélité. En cela, ils se démarquent de l’artisan, soucieux de perpétuer répétitivement un apprentissage séculaire.
Ce n’est encore qu’un début de recherches et de tâtonnement, à travers lesquels on peut déceler trois attitudes : quelques plasticiens tentent d’enrichir leur écriture graphique, en recueillant des éléments et motifs picturaux qu’ils puisent dans les fixés et qu’ils rapportent sur leurs toiles ou leurs supports plastiques. Il s’agit de l’emploi d’un art d’essence traditionnelle appliqué à un matériau non traditionnel (peinture de chevalet, collage, plexiglas…). D’autres reprennent la même technique particulière aux fixés, en y respectant forme et contenu. D’autres enfin, tout en employant le même procédé que dans les fixés, inventent des compositions qui ne rappellent en rien l’iconographie traditionnelle.
Nous relevons, dans la première manière, six plasticiens qui retiennent une même thématique et les mêmes caractéristiques iconiques de la peinture sous-verre, sans adopter pour autant la technique propre à cet art.
Sur des matériaux inédits (carton mâché, bois évidé, collage de papiers peints ou de fragments de pages manuscrites…), Ali Bellagha a été le premier à avoir composé des thèmes inspirés directement des sous verre : « Ali et Râs al-Ghûl » (huile) (fig.1), « ‘Antar ibn Chaddâd » (valeureux guerrier et grand poète, représenté sans sa compagne ‘Abla), « Burâq » (dessin à l’encre noir), « Cavalier », « les Lignes de la main » (collage, 1971), « Calligraphie », … entendant ainsi revaloriser un patrimoine artistique reformulé dans une démarche contemporaine. 
L'artiste utilise une écriture plastique particulière basée essentiellement sur une recherche stylistique : personnages et objets sont traités dans des formes simples, en vue d’un effet décoratif. Les couleurs étalées en aplat, n’ont d’autre mobile que d’équilibrer les surfaces peintes. Les fonds estompés, exécutés souvent dans une matière unie et l’emploi de cernes permettent un détachement et une mise en valeur des objets représentés, renforçant leur fonction en tant que signes. Enfin, l’utilisation de la feuille d’or comme composante plastique, rappelle les fonds métallisés de certaines peintures sous-verre, participant à évoquer le mysticisme qui concourt à symboliser les éléments des tableaux.



                              

                                            Ali Bellagha, Ali et Ras al-Ghûl »



Abdelmajid el-Bekri nous propose, à son tour, des figures stylisées sur un fond abstrait, reconstituant, par un travail élaboré, les décorations foisonnantes de certains fixés. L’exploitation entière de la surface picturale n’est pas sans rappeler, chez lui, cette « horreur du vide » qui qualifie les peintures musulmanes.
Comme le montrent ses dessins à l’encre de Chine en couleurs réalisés en 1974-75 : « Animal fantastique », « Muashshah », « Turâth », « La jeune fille et l’oiseau » … le renvoi au signe ou à la figure se fait par évocation du mythe structurel.
Le peintre reprend les motifs fréquents dans la peinture sous-verre. Dans son œuvre intitulée « Jardin » (encre de Chine colorée, 1985) figure une vasque qui symbolise d’ailleurs, dans la tradition islamique, l’élixir de la vie spirituelle et le réservoir de la nourriture mystique et des forces secrètes.
Bien que la littérature orale nous ait consacré des poèmes et contes amplement fournis sur le thème de la geste hilalienne, il n’en reste pourtant plus qu’une seule peinture sous-verre de modeste qualité représentant Abû Zayd en cavalier (38). (La geste hilalienne a été surtout un thème de prédilection chez Ibrahim Dahak. Celui-ci, à travers une série de gravures sur bois, illustre, en 1974, un album comprenant 32 tableaux relatant les divers épisodes qui ont marqué l’histoire épique des Béni-Hilâl, telle que brodée par l’imagination populaire. « Le graveur assouplit sa main sur le bois avec le courage d’un artisan. » (39). Chez lui, tout est arbitraire ; la convention des hachures en plan courbe, les dessins caractérisés à la fois par une précision, une rigueur et l’économie des moyens, enfin des couleurs déposées à l’encrage, offrant des tonalités légères et de fraîches variations liées au monochrome).
A partir de 1976, Adel Megdiche reprend le même thème, réhabilitant, en particulier, l’histoire de ce couple chaste et héroïque : Abû Zayd, chef militaire, et Al-Jâzia, la plus belle femme hilalienne, qui employa son charme envoûtant pour séduire les héros et les soumettre à ses manigances, au profit de sa tribu. Ce thème se traduit, chez Megdiche, dans une technique pliée à de sévères procédés de compositions, par laquelle il asservit ses modèles à d’exigeantes formules graphiques. Soucieux de discipliner ses élans pour les inscrire dans une synthèse qui soit un enrichissement de la tradition, l’artiste choisit pour ses œuvres les formes et les couleurs du décor et des teintes vivaces de la tapisserie traditionnelle et du margoum. Dès 1984, il nous montre des dessins à la plume, dont le style semble être dégagé de ce qu’il comportait pour prendre de nouvelles libertés et tendre vers une certaine stylisation (40).



                             

                                                        Adel Megdiche, " Zazia Hilalyya "


Ali Nacef Trabelsi, quant à lui, travaille à des tableaux pour lesquels il se sert de matériaux divers (papier journal, plexiglas, verres enduits de couleurs translucides et d’émaux à froid…) qu’il réunit et qu’il assemble, formant des éléments iconographiques que nous rencontrons dans les sous verre traditionnels. Préférant la décomposition des formes et leur schématisation, il s’efforce de replacer les motifs dans l’espace et d’évoquer l’ambiance qu’ils suggèrent. Le résultat est saisissant, et l’utilisation des couleurs nées du hasard (opacité, éclat, lueurs vives, peinture diaprée) donne l’impression d’une incomparable liberté.
La démarche de Trabelsi est intéressante à plus d’un titre : l’emploi de supports nouveaux permet d’une part de retrouver les qualités techniques particulières aux fixés (transparence, richesse des couleurs, profusion du décor…). En outre, l’artiste s’attache à définir, dans une cristallisation géométrique, les propriétés permanentes des objets et leur stabilité dans un espace clos, sans perspective, d’où le choix significatif et fort restreint d’objets très simples, géométriquement réductibles et facilement identifiables. Dans son œuvre « Femmes au chameau » (fig. 2) (41), nous pouvons voir, disposées arbitrairement dans l’espace du tableau, six personnages voilés, un chameau, des flèches, une épée à double lame et des arabesques typiques du décor architectural traditionnel. Dans cette sélection, il s’agit beaucoup moins d’inventorier les éléments iconographiques des sous verre que de créer, à partir de quelques emblèmes caractéristiques, un langage qui en renouvelle la signification.



                                         

                                           Ali Trabelsi, « Femmes au chameau »



Je tente, à mon tour, de remémorer l’iconographie des sous verre, saisissant les signes dans toute leur richesse et les combinant dans des variétés de compositions rythmiques. Bandes, lignes, symboles à deux dimensions (œil, poisson, main, oiseau, détails architecturaux, lettres de l’alphabet arabe à l’occasion) se trouvent étroitement coordonnés en un espace de peu d’épaisseur. A une organisation spatiale en trame, correspond une couleur qui l’exalte. Par des avancés de rouges et de jaunes, des reculées de bleus et de verts, j’essaye de conférer à mes plans colorés espace et vibration. Si la profondeur n’est indiquée qu’à l’aide de la couleur, elle n’offre pas moins un champ de résonance au contrepoint de plus en plus complexe que créent l’amoncellement et le foisonnement des motifs, comme dans « Composition à l’oiseau » (h.s.t., 81x65 cm,1983) ou « Composition à la gloire de Sayyidna ‘Ali » (h.s.t., 81x65 cm, 1985). La technique picturale utilisée pour insérer des figures dans des toiles divisées en parties horizontales ou verticales, ne rappelle-t-elle pas, d’ailleurs, la technique orale du « maddâh » ou « fdâwî » (conteur public) répartissant son récit en plusieurs séquences interdépendantes ?
Les éléments groupés d’eux-mêmes s’ordonnent selon une rigueur assez mystérieuse. Il se dégage d’eux une poésie indéfinissable, nous révélant la pureté des hautes atmosphères où circulent de mystiques floraisons. La reprise de certaines formes puisées dans l’art traditionnel des sous verre, nous fait découvrir un niveau caché dans lequel nous entrevoyons bientôt de nouvelles significations.
Ce qui alimente notre perception s’y résout tout d’abord en lignes, en plans et en couleurs, avant que les motifs qui composent la toile ne donnent à leur tour naissance à tout un éventail de perceptions. Ces motifs, ces signes ne sont pas totalement inventés, ils portent vers l’interrogation, sinon vers la contemplation, ils rappellent des symboles, fougueusement conservés dans la mémoire. Leur genèse se rattache à l’ensemble des images perçues dans l’art populaire et fixées d’une manière spontanée. Si les éléments transcrits se perdent dans le foisonnement d’associations qu’on pourrait qualifier « d’anarchiques », ils ne se détachent pas complètement de l’espace symbolique duquel ils sont arrachés. Le tracé plastique n’est pas sans lien avec le tracé séculaire de l’artisan. J’ai cherché plutôt à instaurer, dans mes œuvres, le geste qui reproduit inlassablement un ensemble de signes, l’essentiel, pour moi, est de pouvoir libérer le potentiel des tracés emmagasinés.
 Ces ouvrages ne sont toutefois pas entièrement représentatifs. Dès 1988, mon style se modifie, s’attachant désormais à l’étude de détails. Du thème de la fuite de ‘Abd-Allah ibn Ja’far avec Lella Amina, fille du Patrice gouverneur de Byzance, survenu au moment de la conquête d’Ifriqya, je n’ai retenu qu’une partie de l’escadron de la cavalerie byzantine conduite par le frère de la princesse. Dans un élan coursier, têtes en avant, cette horde de chevaux qui poursuit le conquérant arabe, semble avoir défoncé le cadre du fixé pour être entrée en scène. J’ai donc repris ce détail, à travers une série de tableaux, en ayant soin d’intégrer les motifs de chevaux dans un espace pictural formé de hachures et de taches colorées (fig. 3). Cette même démarche a été reprise à travers d’autres thèmes, notamment celui du burâq.



                              

                Kh. Lasram, « Signes prophylactiques », acrylique sur toile (80x80) 1982.



                                      

                         Kh. Lasram, « Le phénix », acrylique sur toile (80x65) 1983.


                                               
                                                 
Kh. Lasram, « Fuite de Abd-Allah ibn Ja’far avec Lella Amina" (détail), acrylique sur toile (81x65)


 D’autres plasticiens respectant toujours l’iconographie traditionnelle, reprennent la  technique du verre « églomisé», c’est-à-dire décoré sur son revers, telle qu’elle a été   pratiquée en Tunisie. Cette peinture destinée à être regardée par transparence, réclame une grande pratique, les retouches étant impossibles. Un des avantages du procédé est de préserver la fraîcheur du coloris, grâce à la protection de la vitre.
Youssef Rekik ne cesse de mélanger sur un même espace pictural couleurs et écritures. Sur le fond de ses fixés enduits de dorures et couleurs cristallines, on suit le traçage de fines lignes en craquelures, sur lesquelles s’inscrivent des textes de versets coraniques (« Paroles divines » (fig. 4), « Lumière sur lumière », 60x80 cm, 1985) ou un couplet de vers tiré d’un poème d’Imru ul-Qays (« Poésie de qualité », 40x40 cm, 1982). L’art de Rekik est une forme de prière par laquelle se purifie l’âme ; un art qui élève l’être humain vers le culte du Beau et de la Vérité.
La présence de motifs typiques à l’art arabo-musulman (notamment le mihrâb) rejoint ce sentiment religieux profond qu’éprouve l’artiste. Ce bas monde est comparable, pour lui, à une scène de théâtre où la destinée de l’homme semble suspendue aux cordes de la fatalité divine. La littérature théâtrale a largement initié le peintre, et ce n’est point un hasard si les personnages représentés dans quelques-unes de ses œuvres voisinent directement avec ceux des miniatures arabes du XIIIe siècle, ou sont nettement marqués par ceux du théâtre d’ombre Karagöz ; ce dernier étant comme nous l’initie Md Aziza, une des formes traditionnelles les plus importantes du spectacle en Tunisie (42).



                   

                                                         Youssef Rekik, Peintures sous verre


Kaouthar Tritar reprend sur des morceaux de verres enduits de vernis coloré ou d’émail à froid, les motifs caractéristiques de l’art des sous-verre traditionnel. La structure ornementale de son style, où la troisième dimension est éliminée, confère à la couleur un rôle essentiellement décoratif. Architecte d’intérieur, Tritar se consacre à l’embellissement de maisons privées ou d’hôtels. Outre celui de « Fourati » à Hammamet, on peut voir à l’hôtel-restaurant « l’Orient » de Gammart, une série de huit panneaux dans lesquels l’artiste utilise des décors en arabesques, des motifs floraux, des vasques…insérés dans des cernes accusés. L’éclairage électrique qui n’est pas apparent, placé derrière les panneaux, donne une certaine luminosité et une transparence aux œuvres, rappelant par un jeu de couleurs complémentaires, la technique du vitrail.
Utilisant aussi le support de verre, une troisième catégorie de plasticiens abandonne complètement l’iconographie traditionnelle. Néjib Belkhodja emploie le procédé des fixés, en présentant, vers les années 76-77, un ensemble de petits tableaux sur des compositions en caractères coufiques et formes architecturales. (43)
C’est la même démarche que suit récemment Hatem Ben Cheikh, en peignant sous-verre des compositions entièrement abstraites traitées dans une technique tachiste.
L’étude du folklore démontre que le besoin des rituels et des croyances irrationnelles   est primordial. Si l’on considère de nos jours l’artiste tunisien, il est aisé de se rendre compte que, malgré son rationalisme apparent, il n’a pu se détacher complètement des symboles refoulés dans son inconscient. Le symbole s’avère être un problème d’actualité, car notre société n’a pas besoin seulement de techniques, mais aussi de culture et de croyances. L’apport artistique occidental n’a pas suffi à détruire le symbolisme dont a été nourri l’art populaire. Il a porté à la symbolique traditionnelle le coup de grâce. L’art cessant d’être un fait collectif pour être une œuvre d’individus ayant pour seule tâche de chercher à travers leur création la beauté plastique pure. On ne trouvera plus dans l’art tunisien contemporain d’équivalent au thème du cercle comme symbole de l’absolu, à celui des oiseaux et des fleurs comme signes de la perfection divine, ou à celui du lion comme signe de souveraineté et de puissance. Désormais, on verra plus que jamais des œuvres évoluant autour d’une pratique formelle répondant à une préoccupation purement esthétique.
Dans la mesure où les symboles ont déserté leur domaine propre, celui de l’art populaire et traditionnel, pour se confiner dans notre inconscient, ils resurgissent de nos jours, chargés d’un message nouveau, à travers les créations de nos artistes modernes.
L’exposition qui se tiendra du 21 avril au 11 mai 1989  à l’espace Aïn (Carthage Salombo) sur le thème « Patrimoine-Création », organisée par mes soins, groupe tous les plasticiens précités qui se sont affirmés en faisant consciemment un retour en arrière, incorporant à leurs œuvres l’art de la peinture sous-verre. Cette exposition témoigne certes de l’intérêt grandissant, de la part de nos jeunes artistes, pour cette expression populaire dont les emprunts techniques ont profondément marqué leur pratique. Les prolongements de l’iconographie symbolique réapparaissent de plus en plus dans leurs créations, leur offrant une force et un dynamisme de bon aloi et les aidant à sortir du « ghetto » culturel dans lequel bien des artistes se trouvent encore enfermés.




(1)  Il faut signaler la parution périodique des « Cahiers et traditions populaires », I.N.A.A., Tunis. Parallèlement, les productions Cérès et S.T.D. diffusent une série d’ouvrages sur les arts populaires en Tunisie : cf. C. Sugier, « Bijoux tunisiens, formes et symboles », Cérès Tunis, s.d. ; S. Sethom, F. Skhiri, A. Bayram, N. Baklouti, « Signes et symboles dans l’art populaire tunisien », S.T.D., Tunis 1976…
(2)     Mohamed Masmoudi, « La peinture sous-verre en Tunisie », Cérès productions, Tunis 1972, p. 72.
(3)     Cf. A. Ayoub, T. Guiga, « Hilaliyyat », Chérif Fine Art Edition, Sidi Bou Saïd (Tunisie), 1985 (en langue arabe), dessins illustrés par A. Megdiche.
(4)     Les plus anciennes œuvres, exposées au Musée de Dar Djellouli à Sfax, sont datées de 1888. On serait tenté toutefois de penser, avec Masmoudi, que l’introduction de l’art des sous verre en Tunisie remonte au début du XIXe siècle. Cet art est resté florissant jusqu’ à la veille de la seconde guerre mondiale. A partir de ce moment, toute production cessa d’être valable. Cf. Masmoudi, op. cit., pp. 18-20.
(5)     L’empreinte ottomane ne laisse aucun doute : on peut la vérifier dans une série de peintures dont le thème débouche sur le monde de la calligraphie et de la céramique. Ces peintures présentent parfois des reproductions quelque peu modifiées d’œuvres turques. (Tughra (s), pictographies en lame de vaisseau, en forme de cyprès, d’aspersoirs ou de brûles parfums). L’influence italienne se reconnaît particulièrement dans le traitement des compositions florales.
(6)     On pourrait aisément avancer l’hypothèse d’une certaine continuité historique entre la peinture sous-verre et la miniature. Les deux genres picturaux, conditionnés par un même idéal religieux, vont user des mêmes instruments plastiques. Dans la peinture sous-verre, simple et sans érudition, le matériau impose des contraintes techniques qui diffèrent essentiellement de celles de la miniature. Cependant, le défaut du volume, le rejet de l’ombre et de la lumière réfutant le modèle ou plutôt « at-taswîr », ne révèlent-ils pas, dans les deux formes, les tendances les plus significatives de l’esthétique musulmane ?
(7)     La religion islamique participant à tous les aspects de la vie communautaire et individuelle, la société tunisienne traditionnelle ne faisait pas de séparation nette entre le Sacré et le Profane.
(8)     Cf. « Dictionnaire des symboles », ouvrage collectif sous la direction de Jean Chevallier, éditions Robert Laffont, Paris 1969, (Introduction, pp. XI-XXXII).
(9)     Tunis, 48x37 cm, Centre des Arts et Traditions populaires (réf. 70-3-38).
(10) Tunis, 38x30 cm, C.A.T.P., (réf. 70-3-41).
(11) Tunis, 38x49 cm, C.A.T.P., cf ; illustration : Masmoudi, op. cit., p. 19.
(12) Tunis, 38x32 cm, C.A.T.P., (réf. 70-3-42).
(13) Près du Souk des cuivres, à Tunis, des artisans produisaient en série ce type de peinture : « Le combat de Ali et du monstre Râs-al-Ghûl », Tunis, 32x40 cm, signé Omar ben Hamida, C.A.T.P., (réf.70-3-24) ; « Le calife Ali transperçant avec son épée à double lame le corps de Râs al-Gûl », Tunis, 33x37 cm, C.A.T.P., (réf. 70-3-27) ; « Combat de Ali et du monstre Râs al-Ghûl », Tunis, 34x30 cm, C.A.T.P., (réf.70-3-28).
(14) Cf. « Patrimoine culturel et création contemporaine en Afrique et dans le monde arabe », sous la direction de Mohamed Aziza, les Nouvelles Editions Africaines, Dakar, 1977, pp. 76-79.
(15) On sait que ce sabre appartenait au païen ‘Âs ibn Wâ’il qui mourut lors de l’incursion deBadr : le Prophète l’a offert à ‘Ali. Il existe cependant, d’après la tradition, neuf épées ayant appartenu au Prophète Mohammad (dont le nom signifie « la tranchante »). Deux d’entre elles sont particulièrement intéressantes : une au Musée des arts islamiques de Jolan Lembah Perdana, en Malaisie et l’autre au Palais de Topkapi à Istambul. Cette dernière se termine par deux pointes.
(16) Dans une peinture sous-verre, se détachent, sur fond blanc, trois pictographies. Celle du centre, jaune et rouge, représente un brûle-parfum. Les pictographies latérales, jaunes et vertes, représentent les sandales du Prophète, Tunis, 48x59 cm, C.A.T.P., (réf. 69-7-7).
(17) Au C.A.T.P., on peut voir deux peintures représentant Ali accompagné de ses fils : « Le Calife Ali assis et ses deux fils debout, à gauche al-Hassan et à droite al-Husseyn », Tunis, 65x44 cm, (réf. 70-5-17) ; « Ali et ses deux fils reposant sur leurs genoux », Moknine, 45x34 cm, C.A.T.P., (réf. 68-5-35).
(18) 32X38 cm, C.A.T.P., (réf. 70-3-44).
(19) Cette amulette est capable, comme le précise le texte qu’elle comporte, de parer les femmes les plus laides d’une beauté surnaturelle. Marjana, une cuisinière nègre, eut droit, d’après la légende, aux faveurs du Grand Harun ar-Rachid, parce qu’elle portait cette amulette nouée à sa coiffure. A sa mort, la femme qui procédait à ses ablutions découvrit son secret. En portant à son tour l’amulette, elle devint la favorite du Calife…
(20)  « Bouraq et composition florale », Sfax, fin XIXe s., 19x24 cm, C.A.T.P. (Ce fixé servait à la décoration d’une pendule. Les petites compositions remplaçaient, dans les pendules importées d’Europe, les verres des portillons). Le thème du buraq a été abondamment traité dans les sous verre : cf. « Buraq et vases calligraphiés », Tunis, 73x58 cm, C.A.T.P., (réf. 61-12-5 et 61-12-6) ; « Le buraq survolant un vase en fleurs », Tunis, 66x45 cm, (réf. 68-2-3), C.A.T.P. ; « Buraq : motifs floraux et calligraphies », Menzel Jemil, 41x62 cm, C.A.T.P., (réf.68-2-3) ; « Cheval ailé à tête de femme portant une couronne, survolant la ville de Jérusalem », Moknine, 52x46 cm, C.A.T.P., (réf. 72-2-5) ; « Cheval ailé à tête de femme couronnée : le buraq volant par-dessus une cité musulmane », Moknine, 44x35 cm, C.A.T.P., (réf. 72-2-12) ; même titre : 43x31,5 cm, (réf. 72-2-13).
(21) La Mawlawiyya : doctrine mystique fondée par le Saint patron mawlana Jalal ud-Din, le shaykh de Konya (Anatolie) (m. 1273).
(22) Ce recueil philosophique dans lequel l’auteur explique les doctrines du soufisme, comporte une introduction rédigée en langue arabe et 25700 vers en langue persane, dont quelques-uns en arabe.
(23) Abu al-Kacim al-Junayd (m. 910), surnommé Tawus al-‘ ulama (le paon des uléma(s)), forma à Baghdad une école mystique : al-Jundyya, dans laquelle il reste très attaché aux precepts du Coran et de la Sunna (dires du Prophète).
(24) Cette citation est rapportée par A. Papadopoulo, « L‘Islam et l’art musulman », Editions d’art L. Mazenod, Paris, 1976, p. 123.
(25) Sfax, signé Ahmed el Feriani, 69 x 53 cm, C.A.T.P., (réf. 69-è-_). Nous trouvons souvent des peintures sous verres dans lesquelles la sourate CXII est inscrite en inscrite en forme circulaire. Dans une très belle peinture, la composition est constituée par un encadrement floral à l’intérieur duquel s’élabore le motif central : une ellipse flanquée de part et d’autre de deux cyprès, de composition identique, formés de deux basmalah(s) en opposition. A l’intérieur de l’ellipse, une rosace circulaire, teinte rouge, est formée par la calligraphie de la sourate du « Culte pur ». (Tunis, daté 1331-juin-juillet 1913), signé Ahmed Ben Md. Wafa, 69 x53 cm, C.A.T.P., (réf. 68-11-29).
(26) La « dâira » (la circonscrite, l’orbiculaire) de Sidi Abu al-Hassan ach-Chadhuli (XIIIe s.) contient des signes cabalistiques et des versets du Coran, inscrits dans un étagement de cercles ayant un même centre. Elle sert d’amulette à son porteur.
(27) Sceau de Sulayman », Sfax, 49 x 63 cm, C.A.T.P., (réf. 69-7-9).
(28) Cf. Masmoudi, op. cit., p. 75 : « Sidi Abdelkader Jilani domptant le lion », Tunis, 30 x 34 cm. La confrérie fondée par ce marabout en Irak au XIIe Siècle, a connu dans le Maghreb et en particulier en Tunisie une grande popularité.
(29) La même inscription, qui se trouvait à la même époque sur le sceau de Muhammad ‘Ali d’Egypte, est devenue une tradition qui s’est perpétuée sous les successeurs de Hammouda. Cf. Henri Hugon, « Les emblèmes des Beys de Tunis », Ernest Leroux Editeur, Paris, 1913.
(30) « La fuite de ‘Abd-Allah ibn Ja’far et la fille du roi », Radès (recueillie dans une zaouia). 76x68 cm, C.A.T.P., (réf. 68-2-1).
(31) Cf. « Signes et symboles dans l’art populaire tunisien », op. cit., illustration p. 21.
(32) Dans l’un de ces hadith(s), le Prophète dit : « La ‘ayn (œil) est une réalité ».
(33) Cf. Masmoudi, op. cit., illustration p. 60.
(34) « Scène de la ‘Issawiyya », confrérie de Sidi M’hammad Ibn ‘Issa (d’origine marocaine), Sfax, fin XIXe s. Cf. Masmoudi, op. cit., illustration pp. 42-43.
(35) A ce propos, nous savons que Paul Klee, qui a expérimenté plusieurs techniques, s'est particulièrement intéressé à la peinture sous verre. Entre 1885 et 1916, il a créé 64 œuvres en utilisant comme support le verre.
(36)  Cf. p. 19, note (1), Cf. p. 62, note (28).
(37) Il est probable qu’il existe un certain nombre de peintures sur le thème de la légende hilalienne qui n’ont pas encore été découvertes. Cf. Masmoudi, op. Cit., p. 18.
(38) Cf. « La geste hilalienne », préface de H. Boularès, au compte de l’auteur B. Dahak, Tunis, 1973.
(39) A. Guizani, Brahim Dahak-Intimité, « L’Action » (quotidien tunisien), 2 avril 1971.
(40) A. Ayoub, T. Guiga, « Hilalyyat », op.cit. (dessins de A. Megdiche ; expositions à la galerie « Chérif Fine Art », Sidi bou Saîd, nov-déc. 1985 et mars-avr. 1988.
(41) A. Trabelsi exposa ses travaux à la galerie « Chérif Fine Art », 5 mars-5 avril 1988.
(42) Mohammad Aziza, « Formes traditionnelles du spectacle », collection esthétique et civilisation, S.T.D., Tunis, 1975.
(43) Une exposition d'une soixantaine d’œuvres de Néjib Belkhodja a tenu lieu à la Maison des Arts du Belvédère, au mois de mai 2007, sous le titre "Belkhodja, dix ans déjà". Outre les huiles sur toile, une série de peintures sous-verre de dimensions réduites faisaient partie de l'ensemble des œuvres exposées.











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