Sophie El Goulli - Hommage à notre chère disparue
« Je suis de passage comme une larme
égarée dans la fadeur insonore du vide
Tu es de passage comme le nuage éphémère de
l’été
Aucun flocon pour t’accrocher à la pierre
pesante de la mémoire
Ils glissent tes regards sur le destin échappé
du passé » (Signes, p. 27)
Il y a déjà
juste une année (le 10 octobre 2015), Sophie El Goulli nous a quittés pour un
monde meilleur. La Galerie Médina a rendu, hier soir, un Hommage à notre chère
disparue. Il y avait, paraît-il, beaucoup de gens : sa famille et ses
amis, ses anciens collègues et étudiants, des cinéastes, des hommes de lettres
… Je n’ai pas été au courant de cette manifestation et je suis dans le regret
de n’y avoir pas assisté. Pourtant, en me réveillant ce matin du 10 octobre,
j’avais un pincement au cœur ; trop d’images défilaient à ma mémoire. (« Je
me souviens Des jours anciens Et je pleure » (P. Verlaine)). J’avoue que
Sophie a été pour moi plus qu’une amie, une véritable sœur avec qui j'ai partagé des heures de repas, de ballades et de discussions. Professeur de français et d’anglais à Tunis depuis 1956 (Rue du Pacha et Lycée Mont-fleury), je l’ai connue pour la première fois à Paris ; elle venait de soutenir sa thèse de doctorat. De retour en Tunisie, elle
occupa, de 1973 à 1980, un poste au Ministère de la Culture en tant que
responsable de la division du cinéma et de la communication. Elle créa avec Henri Langlois (pionnier de la conservation et de la restauration de films) la
Cinémathèque nationale tunisienne (1958), et a été à un moment chef de service des
Arts plastiques. Je l’ai revue, en 1981, dès mon intégration à l’Ecole des
Beaux-Arts de Tunis en tant qu’enseignant ; on assurait tous les deux la même discipline : l’Histoire de l’Art. On allait parfois déjeuner ensemble à midi ;
elle choisissait les meilleurs restaurants. C'était l'occasion pour échanger nos idées sur des tas
de questions qui donnaient matière à réflexion; on parlait surtout d’arts
plastiques et de littérature. Je donnais mes avis sur ses articles qui paraissaient régulièrement dans les journaux locaux: des critiques littéraires, des rapports d'expositions d'art ou des récits et nouvelles. On allait des fois visiter les galeries d’art. Ses commentaires sur les œuvres exposées, émanant d’un œil exercé, se fondaient sur des remarques très justifiées, dénotaient une grande lucidité, mais aussi une certaine liberté d’esprit. Elle appréciait ma peinture et m'avait consacré quelques articles. Ses textes, rédigés à grands traits, tout en se limitant à l'essentiel, comportaient des remarques pleines d'à-propos. Lors de notre visite à la Galerie Médina (mars 1985), Sophie exprima son enthousiasme devant les œuvres d'Ahmed Hajri qui se manifestait pour la première fois en Tunisie. Le soir même, elle rédigea d'un trait de plume un article qui parut dans un catalogue intitulé "A. Hajeri, au pays des merveilles".
On suivait régulièrement sur Antenne 2 l'émission littéraire "Apostrophes" (remplacée par "Bouillon de Culture" en 1990) et présentée par Bernard Pivot. Les entretiens et les débats qui s'y déroulaient nous passionnaient et Sophie truffait ses propos de remarques subtiles et pertinentes. Durant les sessions d’examen, elle me chargeait de la correction des copies de ses étudiants rédigées en arabe. On a également travaillé à Beït al-Hikma, en tant que membres du groupe de recherches en « Esthétiques et sciences de l'art » et nous avons participé à plusieurs symposiums et colloques.
Sophie m’a dédicacé tous ses ouvrages : « La peinture en Tunisie, origine et développement » (livre de première heure, préfacé par J. Laude (président du jury de sa thèse et mon encadrant)), « Signes », « Lyriques », « Cantate », « Hashtart à la naissance de Carthage », « Ammar Farhat et son œuvre », « Vertige solaire », "Nos rêves" et quelques articles en brochure parus dans la revue "Echanges". C’est dans son appartement de La Nationale, situé au Centre-ville, rangé avec beaucoup de soin, et c’est au moment de la préparation de son livre « Les Mystères de Tunis » (t.1 puis t.2) qu’elle me lisait à chaque fois les derniers passages qu’elle écrivait durant la veille. Je l’écoutais attentivement sur un léger fond de mélodies de Johan Strauss (fils), l'un de mes compositeurs préférés … Que de charmants souvenirs passés en compagnie de cette grande dame du savoir et de la culture, qui fut toujours à mon égard pleine de tact et très attentionnée. Elle était brillante dans bien des domaines : chroniqueuse d’art (journal « Le Temps »), romancière, poète…, (prix culturel pour le cinéma (1991), prix national de la critique (1992)).
Si la Tunisie a connu, à travers son glorieux passé, des femmes réputées pour leur dévotion, leur culture ou leurs actions méritoires (telles qu'elles ont été relatées par le grand historien H. H. Abdelwahab dans son ouvrage "Tunisiennes célèbres" (1934)), il est certain que Sophie El Goulli compte aujourd'hui parmi les femmes illustres de l'époque moderne qui font honneur à notre chère patrie.
On suivait régulièrement sur Antenne 2 l'émission littéraire "Apostrophes" (remplacée par "Bouillon de Culture" en 1990) et présentée par Bernard Pivot. Les entretiens et les débats qui s'y déroulaient nous passionnaient et Sophie truffait ses propos de remarques subtiles et pertinentes. Durant les sessions d’examen, elle me chargeait de la correction des copies de ses étudiants rédigées en arabe. On a également travaillé à Beït al-Hikma, en tant que membres du groupe de recherches en « Esthétiques et sciences de l'art » et nous avons participé à plusieurs symposiums et colloques.
Sophie m’a dédicacé tous ses ouvrages : « La peinture en Tunisie, origine et développement » (livre de première heure, préfacé par J. Laude (président du jury de sa thèse et mon encadrant)), « Signes », « Lyriques », « Cantate », « Hashtart à la naissance de Carthage », « Ammar Farhat et son œuvre », « Vertige solaire », "Nos rêves" et quelques articles en brochure parus dans la revue "Echanges". C’est dans son appartement de La Nationale, situé au Centre-ville, rangé avec beaucoup de soin, et c’est au moment de la préparation de son livre « Les Mystères de Tunis » (t.1 puis t.2) qu’elle me lisait à chaque fois les derniers passages qu’elle écrivait durant la veille. Je l’écoutais attentivement sur un léger fond de mélodies de Johan Strauss (fils), l'un de mes compositeurs préférés … Que de charmants souvenirs passés en compagnie de cette grande dame du savoir et de la culture, qui fut toujours à mon égard pleine de tact et très attentionnée. Elle était brillante dans bien des domaines : chroniqueuse d’art (journal « Le Temps »), romancière, poète…, (prix culturel pour le cinéma (1991), prix national de la critique (1992)).
Si la Tunisie a connu, à travers son glorieux passé, des femmes réputées pour leur dévotion, leur culture ou leurs actions méritoires (telles qu'elles ont été relatées par le grand historien H. H. Abdelwahab dans son ouvrage "Tunisiennes célèbres" (1934)), il est certain que Sophie El Goulli compte aujourd'hui parmi les femmes illustres de l'époque moderne qui font honneur à notre chère patrie.
Que Dieu
ait son âme…
De retour d’une exposition de l’Union
au Palais Kheireddine, de g. à d. : Rachida Triki (chef du groupe de recherches en Esthétique à Beit-al-Hikma), Kh. Lasram, Sophie El
Goulli (membres du jury pour le grand prix des Arts Plastiques de la Ville de
Tunis), avril 1994.