Vient de paraître: "Le vieux Kram, Cité des figuiers au centre des jardins de Carthage", éd. Carthaginoiseries, mars 2015, Le Temps, 28 mai 2015, p. 5.
L’ouvrage
de Abdelaziz Bey relate l’histoire du vieux Kram, bourgade située sur une plaine qui
jette son dévolu sur le golfe de Tunis, à mi-chemin entre La Goulette et Carthage. Toute cette bande côtière, par sa position stratégique, placée à l’abri
d’un cap qui lui assurait une protection absolue, suscita, depuis les temps les
plus reculés, la convoitise des conquérants venant de l’extérieur. C’est ainsi
que, d’après la légende, Elyssa, princesse de Tyr, s’enfuyant de Phénicie après
que son frère Pygmalion eut assassiné
Acerbas (son époux), débarqua
avec ses troupes au pied de la colline de Byrsa. L’endroit lui sembla idéal.
Elle y érigea une citadelle et fonda Kart Hadasht (Carthage), la ville
nouvelle, qui fut l’une des plus glorieuses cités de l’Antiquité.
Dans son « Histoire de Rome »,
Tite-Live raconte que Caton l’Ancien,
envoyé en ambassade à Carthage, cueillit une figue fraîche qu’il montra à
l’assemblée du Sénat de Rome, l’incitant, lors d’un discours solennel, à
entreprendre la troisième guerre punique et terminant son harangue par une
foudroyante formule : « Dalenda quoque Carthago » (en outre, il
faut détruire Carthage) !
Ce
n’est que sous le règne de Ahmed Bey 1er (dixième souverain
husseinide) que son beau-frère et ministre de la guerre, Mustapha Agha, bâtit,
en ce lieu encore inhabité (connu plus tard sous le nom de Kram Agha), un
palais et ses dépendances. Tout autour, une
agglomération urbaine s’édifia et
prit peu à peu de l’ampleur, complétant le maillon d’une constellation de
villes et de villages constituant la banlieue nord de Tunis.
L’auteur du « Vieux Kram »
a toujours désiré mener des recherches sur l’histoire de sa cité natale, à
laquelle le lie une viscérale fidélité. Glanant une somme d’informations, malgré la
frugalité de la matière, en compulsant plusieurs documents écrits, il
recueillit surtout des témoignages de la bouche des derniers survivants qui
connurent le Kram d’antan, aujourd’hui tous disparus. Il réussit avec succès à
recréer l’ambiance animée qui régnait dans cette localité où s’écoula ses douces
années de jeunesse auprès de sa famille et de ses amis d’enfance, ses
insouciantes années de collège, cependant perturbées par une période de pénurie
due aux répercussions de la seconde guerre mondiale, puis les années qui
suivirent marquées par l’euphorie de l’Indépendance, jusqu’à enfin une période
toute proche.
Au fil des
pages, abondamment garnies de photographies de vues et de personnages, dont
certaines tirées d’anciens albums de familles, A. Bey nous invite à scruter les
moindres recoins de cette riante station balnéaire, chargée de tant de
souvenirs agréables et parfois moins agréables, à parcourir ses ruelles
baignées de lumière, se coupant transversalement à angle droit et convergeant
vers la mer, à découvrir ses boutiques, ses cafés, sa poste, ses lieux de culte
et ses espaces de loisir, sa plage au sable d’or tout animée durant la saison estivale
par les baigneurs et les promeneurs et, par-dessus-tout, ses habitants. Car
l’élément humain, dans ce récit, constitue un véritable centre d’intérêt.
Composés de diverses communautés et de diverses confessions, venant de toute part
et d’ailleurs : princes distingués, personnages de haut relief et
bourgeois cossus, gens ordinaires, juifs
de souche et juifs livournais, colons français ou italiens originaires de Malte
et de Sicile et de bien d’autres contrées européennes, exerçant tous des
professions multiples et des métiers divers : administrateurs, enseignants,
médecins, mais aussi épiciers, charcutiers, barbiers, tailleurs, cuisiniers, cochers…
Toutes ces bonnes gens, vivant en bonne intelligence, ont été décrits dans
leurs habitudes et leur quotidienneté aux moindres détails. Et l’on se
souvient, à travers cette galerie de portraits, de certaines personnes qui nous
ont quittés depuis longtemps, de
certains visages familiers que l’on croyait avoir oublié et qui sont
ressuscités par notre infaillible mémoire. Tant d’événements se sont produits,
tant de vent avait soufflé, balayant le passé. Tout un monde estompé par le
temps, dont les vestiges dépérissent avec l’écoulement des jours, un monde que
la jeunesse n’avait point connu et dont plus personne n’en parle
aujourd’hui. Ce vieux Kram là au charme
pittoresque a presque totalement disparu, cédant à une poussée démographique et
urbaine consternante et inévitable. Le lecteur, en parcourant ces
magnifiques pages pleines d’entrain, bercé par une douce et nostalgique mélancolie, replonge dans un
univers sans date, un univers intime et
secret à jamais révolu.
Khaled Lasram
"Le
Vieux Kram"
"Paru
aux éditions Cartaginoiseries, le livre de Abdelaziz Bey sur l'histoire du Kram
donne enfin un ouvrage de référence à cette ville de la banlieue nord. Du
domaine de Kram l'Agha à la ville cosmopolite du vingtième siècle, c'est une
plongée dans le génie des lieux à laquelle nous invite cet ouvrage richement
illustré.
Les
éditions Cartaginoiseries ont récemment publié un ouvrage de Abdelaziz Bey qui
porte le titre de "Le Vieux Kram" et propose de retrouver quelques
pages d'histoire de cette banlieue au nord de Tunis. L'auteur est un haut cadre
aujourd'hui à la retraite qui propose des souvenirs vécus dans sa ville natale
et arpente les méandres de l'histoire de cette ville.
Qualifiant
Le Kram de cité des figuiers au centre des jardins de Carthage, Abdelaziz Bey
développe son propos en 250 pages qui ne laissent pas indifférent et sont en
prime richement illustrées par des photographies d'époque dont la plupart
proviennent des albums familiaux.
Connaissez-vous
Kram
Lagha ?
Le
livre est préfacé par Mohamed El Aziz Ben Achour qui éclaire le lecteur sur le
sens du terme Kram qui désigne cette localité. En effet, Ben Achour écrit :
"Jusqu'au milieu du dix-neuvième siècle, c'était ici le vaste domaine de
Mustapha Agha, haut dignitaire beylical. Les figuiers semblent avoir occupé
dans cette exploitation une place éminente puisque le nom de ce qui devint la
localité présentée dans le livre est tiré de l'expression Kram Lagha, ce qui
signifie Les figuiers de l'Agha".
Le
livre de Abdelaziz Bey présente aussi bien un rappel historique qu'une
rétrospective du vécu de cette charmante localité multiculturelle. La postface
de Khaled Lasram souligne d'ailleurs ce cosmopolitisme du Kram avec sa
population "composée à la fois d'autochtones et de colons originaires pour
la plupart de Sicile, de Malte ou du midi de la France". Lasram continue
en soulignant que l'auteur " a voulu à travers son récit nous raconter
l'histoire d'une ville telle qu'elle a été et telle qu'il l'a vécue" en y
réussissant pleinement.
L'ouvrage
est clairement structuré en dix chapitres qui abordent tous les aspects de
l'histoire et du présent. Adossé à une importante bibliographie, l'auteur ne
délaisse aucun détail et tente d'être le plus précis possible dans son
évocation des lieux. Il se penche d'abord sur la localisation du Kram par les
historiens et les géographes, remontant jusqu'aux sources latines et apportant
des éclairages par les textes. Il aborde ensuite la complexité de la population
du Kram et ses origines dans un troisième chapitre qui est le plus fourni de
l'ensemble.
Une
œuvre utile et documentée.
Ceci
dit, ce sont successivement les activités commerciales, celles liées aux
loisirs ou au sport qui forment ensuite l'ossature du livre qui n'omet aucune
enseigne, aucune association, aucun café de ceux qui ont laissé des traces dans
la mémoire populaire. C'est ensuite au tour des établissements scolaires et des
lieux de culte d'être étudiés dans leur diversité, avec l'objectif de
transmettre une mémoire encore vivante. Comme il se doit, l'ouvrage se termine
par une évocation de la plage du Kram, lieu cardinal pour tous les habitants de
la ville.
Le
propos de Abdelaziz Bey navigue entre nostalgie et devoir de mémoire. Tout en
déplorant certaines dérives et pollutions, l'auteur se consacre à son propos
central : celui de transmettre le vécu et l'histoire d'une ville. Et il y
parvient fort bien, photos et cartes postales d'époque à l'appui. Mieux,
l'ouvrage regorge d'anecdotes, de citations, de rappels que seul le génie des
lieux peut capturer. Avec ce livre, l'auteur fait œuvre utile et apporte au
Kram l'ouvrage qui lui manquait. En effet, de La Goulette à Carthage, toutes
les villes ont un livre de référence et, enfin, grâce au travail de l'auteur,
Le Kram a le sien. Une œuvre utile, documentée et de surcroît agréable à
lire."
Hatem Bouriel/ le Temps/ 2017